Symboliquement, le geste allait résonner haut et fort, bien plus loin que la foule immense rassemblée pour la cérémonie d’investiture qui se déroulait sur les marches du capitole de l’État de Louisiane, le 9 mars 1972, à Bâton-Rouge, lorsque le nouveau gouverneur, le brillant et charismatique Edwin W. Edwards, a prêté serment d’abord en français, ensuite en anglais, pour marquer son entrée en fonction. C’était une revanche de l’histoire longtemps attendue en Louisiane, où la langue française avait été bannie des écoles publiques et honnie pendant des générations, au point d’être menacée de disparition. Quatre ans plus tôt, la création du Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL) avait inauguré une nouvelle dynamique de promotion du fait français et d’échanges avec les pays francophones. Né en 1927 dans la paroisse des Avoyelles, le gouverneur Edwards, qui avait débuté sa carrière d’avocat en desservant une clientèle francophone dans sa ville d’adoption de Crowley (paroisse d’Acadie), semblait incarner le renouveau qui animait la Louisiane aux tournant des années 1970.

Décédé le 12 juillet 2021 à l’âge de 93 ans, Edwards a eu quatre mandats comme gouverneur d’un État dont il semblait réunir, en sa seule personne, l’esprit latin, la personnalité haute en couleur et les contradictions trop souvent tragiques. Tout en menant une importante réforme constitutionnelle pendant son premier mandat, il s’adonnait à un train de vie aux excès notoires et contribuait aux pratiques de trafic d’influence. Alors qu’il aurait pu devenir président, il allait être condamné pour taxage en 2001 avant de purger une peine de huit ans en prison fédérale. Du début à la fin, il était fier d’être francophone et fier de l’héritage francophone de la Louisiane.
Très tôt, le gouverneur Edwards s’est également engagé contre le racisme et pour la justice raciale. Fortement apprécié de la population afro-américaine, il voyait une convergence entre l’expérience historique des Cadiens – groupe qui comprenait, pour lui, les Créoles blancs des milieux ruraux – et celle des Noirs, anglophones comme francophones et créolophones. Afin de souligner cet aspect de sa contribution à la modernisation de la Louisiane, nous reproduisons ci-dessous des extraits en traduction française de son discours d’investiture de 1972, dont la version intégrale, en anglais et en français, se trouve ici :
Les aspirations véhiculées dans cette allocution sont exprimées dans cette phrase pleine d’espoir : «Les vieilles barrières imaginaires n’existent plus. Mon élection a détruit les vieux mythes, et un esprit nouveau est avec nous.»
Au revoir, Monsieur le Gouverneur…
Extraits de la traduction française du premier discours d’investiture du gouverneur Edwin W. Edwards, Bâton-Rouge, 9 mai 1972 (à partir du texte anglais publié dans le Daily Advertiser de Lafayette)
Révérends membres du clergé, Gouverneur et Mme McKeithen, distingués membres du Congrès, Mesdames et Messieurs de l’assemblée législative, citoyens de la Louisiane :
S’il y a une leçon que nous devrions avoir apprise au cours des vingt dernières années, c’est que les gouvernements des États vont soit assumer leurs responsabilités, soit être balayés par le courant de l’histoire, ne laissant que leur poussière pour s’accumuler sur leurs propres ruines.
Faire avancer la Louisiane
De nombreux États, comme le nôtre, sont empêtrés dans des systèmes tellement archaïques qu’ils n’ont pas eu l’occasion de se montrer à la hauteur de ces responsabilités. De plus en plus d’États réalisent que si leurs gouvernements doivent être efficaces, ils ne doivent pas être enchaînés par les idées du dix-neuvième siècle. […]
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