Immigrants acadiens d’Argyle en Nouvelle-Angleterre et leur attachement au pays d’origine (Carmen d’Entremont)

Carmen d’Entremont est stagiaire postdoctorale à l’Observatoire Nord/Sud dans le cadre de l’initiative Trois siècles de migrations francophones en Amérique du Nord et collaboratrice au projet Repenser l’Acadie dans le monde.

Entre le milieu du 19e siècle et la Seconde Guerre mondiale, 900 000 Canadiens français et plusieurs milliers d’Acadiens des Maritimes émigrent aux États-Unis. Lié à l’industrialisation, ce mouvement migratoire marquera l’histoire de l’Amérique française. Dans la région acadienne d’Argyle, au sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, ce sont des pêcheurs en quête de nouvelles opportunités qui amorcent l’émigration, contrairement au Québec où, aux débuts, la population migrante est majoritairement constituée d’agriculteurs endettés. C’est à partir de 1871, un peu plus tard qu’au Québec, que l’immigration acadienne prend de l’ampleur. Si on a beaucoup étudié l’émigration des Canadiens français aux États-Unis, l’expérience acadienne a attiré moins d’attention des chercheurs.

Au cours des années 1980 et 1990, Claire Quintal, directrice-fondatrice de l’Institut français du Collège de l’Assomption au Massachusetts, organisait une dizaine de colloques afin de promouvoir une meilleure connaissance de la francophonie nord-américaine. Les actes rassemblent une quantité impressionnante de connaissances. Les articles portant sur l’émigrant acadien examinent notamment les causes du mouvement et ses effets sur la démographie, les interventions de l’élite, le patrimoine folklorique et la survivance du peuple émigré. Parmi les études effectuées à cette époque, celle de Laura Sadowsky sur les Acadiens de Chéticamp à Waltham est la plus approfondie. Sadowsky démontre que l’implication d’institutions francophones comme la paroisse et la French cluba favorisé la préservation du folklore aux États-Unis. Selon elle, c’est en faisant appel à la chanson et à la danse que les immigrants ont réussi à maintenir leur identité ethnique. Plus récemment, quelques universitaires ont analysé la participation des femmes à ce mouvement migratoire. Plusieurs aspects de l’exode restent inexplorés.

Le texte que je rédige pour le collectif Repenser l’Acadie dans le monde vise à cerner ce qui reste de l’acadianité chez une douzaine de descendants d’immigrants acadiens d’Argyle ayant vécu en Nouvelle-Angleterre pendant un minimum de 20 ans, et à saisir les moyens employés pour entretenir un sentiment d’appartenance. L’étude s’appuie sur un corpus d’entretiens constitué dans le cadre du projet « Trois siècles de migrations francophones en Amérique du Nord », dirigé par l’historien Yves Frenette. Ici, je jetterai un coup d’œil sur les liens affectifs maintenus avec le lieu d’origine, notamment l’attachement à la Nouvelle-Écosse, un thème souvent évoqué lors des entretiens.

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Chroniques de la Côte : la carrière du capitaine de bateau à vapeur J. Gustave Landry (1818-1873), d’origine acadienne – 2ème partie

La perception de la société cadienne nous renvoie constamment à des stéréotypes : trappeurs évoluant dans un décor exotique, bons vivants ne faisant qu’attendre le Mardi gras, paysans bonasses ayant mené une existence bucolique jusqu’à leur brusque américanisation au début du 20e siècle… et ainsi de suite. Toutefois, l’évolution de la diaspora acadienne en Louisiane, implantée dans le sillage des Déportations de l’Acadie (1755-1763), n’est guère réductible à ces poncifs certes pittoresques, mais décidément simplistes.

En témoignent le milieu et la carrière du capitaine J. Gustave Landry, que nous avons commencé à explorer dans un précédent article des Carnets Nord/Sud. Issu d’une famille de planteurs de canne à sucre de la paroisse de l’Ascension, dont le membre le plus célèbre était son oncle et beau-père Trasimond Landry (1795-1873), qui fut lieutenant-gouverneur de la Louisiane de 1846 à 1850, le capitaine Landry allait témoigner au cours de sa vie de l’intégration économique, politique et, jusqu’à certain point, sociale de la communauté francophone en contexte états-unien. Et il allait contribuer à ce processus en vertu de son implication dans le domaine des transports fluviaux, bien que ses activités professionnelles ne se limitent pas à ce secteur. 

Pour plusieurs observateurs de l’époque, l’amélioration des technologies, des infrastructures et des réseaux de communication était destinée à assurer la cohésion nationale. De retour d’un séjour aux États-Unis au tournant des années 1820, l’aristocrate suédois Axel Klinkowström (1775-1837) exprimait sa conviction que la navigation à vapeur, étant susceptible de « faciliter les communications » et « d’ouvrir de nouvelles routes commerciales », pouvait souder les nations aux territoires immenses et aux populations diverses, comme les États-Unis et la Russie. À ses yeux, cette révolution des transports contribuerait « puissamment à rapprocher les hommes et à resserrer de plus en plus les liens d’une fraternelle union entre les habitants des contrées les plus éloignées[1]. »

Une vingtaine d’années plus tard, un magazine américain allait abonder dans le même sens : « [La navigation à vapeur] donnera à la république un cœur national et un esprit national[2]. » Tel se voulait le sentiment dominant à l’époque où, en entrant dans la fleur de l’âge, Gustave Landry envisageait, avec son partenaire William Winchester, la construction et l’acquisition de l’Eliska, bateau à vapeur nommé en l’honneur de son épouse Éliska Mire et mis en service en octobre 1846.

La popularité de son itinéraire entre La Nouvelle-Orléans et Bâton-Rouge, qui allait de pair avec la réputation reluisante de son capitaine, a été exposée dans ma première chronique.

Transatlantic sketches–the Mississippi River. The Illustrated London News, 10 avril 1858 (Library of Congress – https://www.loc.gov/item/2008680447/)

Une contradiction s’impose, pourtant. En même temps que la navigation interne aide, dans la première moitié du 19e siècle, à unifier le pays, elle contribue également à l’expansion de l’institution qui va diviser les États-Unis au point de déclencher la guerre civile de 1861-65 : il s’agit bien sûr de l’esclavage. Autre contradiction flagrante, qui n’est pas des moindres : ce sont les richesses créées par le système esclavagiste qui, tout en se fondant sur la misère humaine, assurent la prospérité du « pays de la liberté » en tant que puissance industrielle, comme le rappelle l’historien Edward E. Baptist dans son ouvrage The Half Has Never Been Told: Slavery and the Making of American Capitalism (Basic Book, 2014).

Né dans un milieu profondément esclavagiste, J. Gustave Landry n’évolue guère en marge de ces réalités, car les perspectives qui s’offrent à lui sont définies par l’esclavagisme.

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Chroniques de la Côte : la carrière du capitaine J. Gustave Landry (1818-1873), d’origine acadienne – 1ère partie

L’héritage des bateaux à vapeur habite ma conscience depuis ma prime enfance. Nichée dans le nord-ouest de la Louisiane, ma ville natale de Shreveport porte le nom du capitaine Henry Miller Shreve (1785-1851), ingénieur et navigateur qui, d’après l’abrégé de sa carrière qui nous fut exposé à l’école, avait dégagé la rivière Rouge de son « grand radeau », soit un ensemble d’embâcles naturels formés de troncs d’arbres et de dépôts, dans les années 1830. Son exploit avait ouvert notre région au trafic fluvial et, du coup, contribué à l’expansion de la nation états-unienne après l’acquisition de la Louisiane au début du dix-neuvième siècle.

Connue depuis longtemps et appliquée aux transports à partir du dix-huitième siècle, la technologie de la vapeur allait devenir un important moteur de la révolution industrielle et de la mondialisation économique. Dans une étude devenue classique, Louis C. Hunter et Beatrice Hunter résument, sur un ton triomphaliste, son rôle dans la colonisation de l’intérieur du continent nord-américain : « Dans le développement de la plus grande partie du vaste bassin du Mississippi, qui est passée d’une société frontalière brute à la maturité économique et sociale, le bateau à vapeur a été le principal agent technologique. Pendant le deuxième quart du dix-neuvième siècle, les roues du commerce dans cette vaste région étaient littéralement des roues à aubes[i]. »

Henry Miller Shreve n’est pas le seul pionnier dont le nom est retenu par la postérité : avant lui, il y avait notamment Robert Fulton (1765-1815), également l’inventeur du premier sous-marin (Nautilus), et son associé Robert Livingston (1746-1813), diplomate et partenaire dans la construction du North River Steamboat, lancé en 1807. Dans leur sillage, une foule d’autres individus, bien moins connus, allaient participer de l’essor de la navigation fluviale à cette époque. En Louisiane, certains d’entre eux sont issus de la communauté francophone, voire de la diaspora acadienne. Dans ce billet, il sera question du capitaine Joseph Gustave Landry (1818-73), d’origine acadienne.

Le port de La Nouvelle-Orléans vers 1851. John Bachmann, « Birds’ eye view of New-Orleans » (New York : A. Guerber & Co., c1851; Library of Congress : https://lccn.loc.gov/93500720)

Cette modeste esquisse vient inaugurer un nouveau volet des Carnets Nord/Sud, c’est-à-dire les « Chroniques de la Côte ». Plutôt qu’à une façade océanique, le titre de cette série renvoie à la zone constituée par les rives du fleuve Mississippi entre La Nouvelle-Orléans et Bâton-Rouge – et plus précisément à la région dénommée « Côte des Acadiens » dès l’arrivée des premières familles acadiennes dans les années 1760, sous les auspices du gouvernement espagnol, et située dans les actuelles paroisses (civiles) de Saint-Jacques et de l’Ascension. Pays d’exploitations sucrières au dix-neuvième siècle, c’est aussi un foyer de la créolisation culturelle qui caractérise la Louisiane francophone, d’autant plus que la majorité de la population a été, pendant longtemps, d’ascendance africaine.

Les « Chroniques de la Côte » feront état, pour un public général, de certaines trouvailles et réflexions dans le cadre du projet : « Africains et Acadiens en Louisiane francophone », relevant de la Chaire de recherche du Canada en études acadiennes et transnationales (CRÉAcT) de l’Université Sainte-Anne.

Dans cet esprit, quelques éléments de la biographie et de la carrière du capitaine Landry nous permettent d’entrevoir l’intégration de la communauté d’origine acadienne dans la Louisiane américaine.

Bien qu’il vienne au monde après l’incorporation de la Louisiane dans le giron des États-Unis, le souvenir du Grand Dérangement n’est pas très éloigné dans sa famille. Son grand-père Joseph Landry, dit Bel Homme (1752-1814), est né à Grand-Pré en 1752, avant d’être déporté avec ses parents vers le Maryland. C’est d’ailleurs dans cette colonie que naît la future grand-mère du capitaine Landry, Anne Bujol (1758-1816), fille des exilés Joseph Bujol et Anne LeBlanc. Sa famille s’étant installée en Louisiane, Joseph se marie pour une première fois en 1775, puis, veuf, épouse Anne en novembre 1779. Fermier esclavagiste qui « possède » déjà quatre personnes à cette époque, c’est un officier de la milice qui, plus tard, tâtera de la politique, se faisant élire à l’assemblée législative louisianaise.

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Mois de l’histoire des Noirs : les Afro-Américains tenus en esclavage par une famille acadienne en Louisiane (dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, 25 février 2022)

Note : Cette série de deux chroniques a paru dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, éditions du 11 et 25 février 2022, sous la rubrique Au rythme de notre monde. Elles font état, pour un lectorat général, de l’avancement d’un projet de recherche de la CRÉAcT dont la première étape a fait l’objet d’un article publié en 2018 dans la revue Histoire engagée.

1ère PARTIE

Mo déjà roulé tout lakot,
Pencor war parèy bèl Layotte…

Ce sont là les paroles d’une chanson en langue créole qui, du temps de l’esclavage, aurait rythmé le travail des ouvriers captifs condamnés aux champs de canne à sucre du sud de la Louisiane. En lisant à haute voix, vous pourrez probablement, grâce à la proximité lexicale du français, saisir le sens de cet éloge d’une femme admirée, «la belle Layotte», auprès de qui l’on demande l’intervention d’un ami :

Jean Babèt, mô nami,
Si vou kouri par enho,
Vou mandé bèl Layotte,
Cado-la li té promi mwin.

Or, parmi les milliers de personnes tenues en esclavage qui auraient connu et chanté ces vers, toutes n’étaient pas nées en Louisiane et, pour un nombre considérable d’entre elles, le créole ou le français auraient été leur deuxième langue, apprise à la suite de leur arrivée d’un autre État, comme la Virginie ou la Caroline du Nord. À l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs, il s’agira dans cette série de deux chroniques de lever un coin de voile sur mes recherches en cours sur les victimes du commerce esclavagiste à l’intérieur des États-Unis, tout en rendant hommage à leur résilience et à leur courage.

Entre 1790, c’est-à-dire juste après l’adoption de la constitution américaine, et 1860, soit à la veille de la guerre de Sécession, près d’un million de femmes et d’hommes d’origine africaine furent transportés de force depuis le Haut Sud vers le Sud profond. Cette migration forcée a été stimulée par l’expansion des plantations de coton, à travers tout le Sud, et, en Louisiane, de l’industrie sucrière. D’ailleurs, l’interdiction de la traite esclavagiste transatlantique, à partir de 1808, eut pour conséquence d’encourager le trafic humain au sein du pays, faute de main-œuvre en provenance de l’Afrique.

À titre de comparaison, sur les 12 millions de femmes, hommes et enfants qui, entre le 16e et le 19e siècles, ont subi le «Passage du milieu»ou la pénible traversée de l’Afrique aux Amériques, un peu de moins de 400 000 d’entre elles et eux ont abouti en Amérique du Nord. Autrement dit, le marché intérieur aura bouleversé l’existence de plus de deux fois plus d’Afro-Américains que le commerce transatlantique, reconnu pourtant comme un crime contre l’humanité. Tant et si bien que les déplacements occasionnés par le marché national sont parfois qualifiés de «second Passage du milieu».

«Ce nouveau commerce interurbain était dominé par des entreprises permanentes bien organisées», explique l’historien Walter Johnson dans son ouvrage Soul by Soul: Life Inside the Antebellum Slave Market (1999).

Les esclaves étaient rassemblés à Baltimore, Washington, Richmond, Norfolk, Nashville et St-Louis, puis envoyés vers le Sud, soit par voie terrestre, attachés par des chaînes, soit par des voiliers longeant la côte ou bien par des bateaux à vapeur descendant le Mississippi. Ces esclaves étaient vendus sur les marchés urbains de Charleston, Savannah, Mobile, Natchez et surtout de La Nouvelle-Orléans. Contrairement à l’image populaire, la plupart de ces esclaves n’étaient pas vendus rapidement lors de grandes ventes aux enchères publiques, mais dans le cadre d’accords privés conclus dans les parcs à esclaves tenus par les marchands d’esclaves.

Ce commerce en est venu à constituer une pierre angulaire de l’économie du Sud et, par conséquent, du pays entier. Toutefois, l’aspect économique ne doit pas voiler la dimension humaine de ce drame effroyable.

Puisque La Nouvelle-Orléans servait de plaque tournante de ce réseau, un certain nombre de ces Afro-Américains étaient destinés à des plantations appartenant à des familles d’origine acadienne. Mon projet de recherche explore le cas de la plantation C. P. Melançon et Cie, située dans la paroisse St-Jacques, entre Bâton-Rouge et La Nouvelle-Orléans. Cette habitation sucrière fut reçue en héritage par Constant Paul Melançon et ses frères et sœurs, tous enfants de Joseph Melançon fils (1788-1833), mort lors d’une épidémie de choléra, et Constance LeBlanc (1794-1856).

Ce qui a attiré mon attention sur cette famille et sur les gens esclavagisés sur leur plantation, c’est un fait divers sur lequel je suis tombé, par pur hasard, en feuilletant l’un des vieux journaux de la Louisiane francophone : en juillet 1858, Constant Melançon fut tué par Toussaint, l’un de ses esclaves qui avait grandi à ses côtés. Cet incident montre bien à quel point le système esclavagiste pouvait engendrer des formes de résistance, jusqu’au rejet violent de cette condition inacceptable.

À deux reprises, les Melançon avaient eu recours aux marchands d’esclaves de La Nouvelle-Orléans pour grossir les rangs de leurs ouvriers captifs, artisans et travailleurs agricoles. En janvier 1831, Joseph Melançon avait fait l’acquisition de huit jeunes hommes; bien plus tard, en 1853, quatre de ses fils allaient acheter huit autres hommes au moment de s’associer en tant que partenaires. En Louisiane francophone, ces Noirs provenant d’autres régions des États-Unis portaient la désignation «d’Américains», par opposition aux Créoles nés en Louisiane.

Un récent voyage de recherche aux États-Unis m’a donné l’occasion de me lancer sur les traces du premier groupe. Le contrat qui se trouve aux archives notariales de La Nouvelle-Orléans révèle que ces huit hommes et adolescents ont été vendus par un James Huie, résident du comté de Rowan en Caroline du Nord. Ils s’appelaient Abraham (19 ans), Allen (16 ans), Ben (14 ans), Booker (19 ans), Calton (19 ans), Ralph (16 ans) et Tom (18 ans). Leur expérience nous permettra de mieux comprendre l’interaction entre la diaspora acadienne en Louisiane, parmi laquelle l’esclavagisme s’était généralisé, et la diaspora africaine en Amérique du Nord.

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Tout le monde est invité ! 9 février 2022 : «Les Acadiennes louisianaises du Sacré-Cœur de Jésus, entre interculturalité et mobilité interrégionale», conférence de Clint Bruce

Tout le monde est invité à assister à une conférence publique du professeur Clint Bruce, le 9 février 2022 à 19h00 (Atlantique) : «Les Acadiennes louisianaises du Sacré-Cœur de Jésus, entre interculturalité et mobilité interrégionale». Cette activité est organisée par le Groupe de recherche sur les archives et les femmes en Acadie (GRAFA), en collaboration avec l’Observatoire Nord/Sud. Voici le lien Zoom pour accéder à la conférence : https://us02web.zoom.us/j/88042581625?pwd=emdoOUl0NFZBZS81L0Z4RC82TzQ2QT09 

Résumé : La perception de la société cadienne nous renvoie constamment à des stéréotypes : trappeurs évoluant dans un décor exotique, bons vivants ne faisant qu’attendre le Mardi gras et ainsi de suite. Cette conférence a pour but de révéler une autre facette de la diaspora acadienne en Louisiane, celle de l’expérience des femmes ayant choisi la vocation religieuse au 19e siècle. Au cœur de cette recherche se trouve l’autobiographie de Marie-Désirée Martin (1830-77), intitulée : Les Veillées d’une sœur, ou le destin d’un brin de mousse (1877). Arrière-petite-fille d’Acadiennes et d’Acadiens déportés, l’auteure se réfère à la mémoire de ses ancêtres – féminines, surtout – pour donner sens à son propre vécu, notamment à sa décision de quitter l’ordre religieux qu’elle avait rejoint à l’âge de 16 ans, la Société du Sacré-Cœur de Jésus, une congrégation française établie en Amérique dès 1818. Une autre dimension saisissante du récit de Martin concerne les personnes tenues en esclavage par sa famille, qu’elle évoque avec tendresse tout en déplorant les injustices que ces premières ont subies. À partir d’un examen des collections pertinentes du centre d’archives du Sacré-Cœur à Saint-Louis (Missouri), il s’agira de comparer la trajectoire de Martin à celles d’autres Acadiennes louisianaises au sein de la Société du Sacré-Cœur. Deux aspects seront abordés : les rapports interculturels, y compris les interactions entre les religieuses et les personnes tenues en esclavage par la congrégation, d’une part, et la mobilité continentale et transnationale des religieuses, d’autre part.

Cette recherche s’inscrit dans le cadre de l’initiative Trois siècles de migrations francophones en Amérique du Nord, 1640-1940.

Clint Bruce est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études acadiennes et transnationales (CRÉAcT) à l’Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse, où il enseigne au Département des sciences humaines. Il y est également directeur de l’Observatoire Nord/Sud, centre de recherche rattaché à la CRÉAcT, et codirecteur de la revue Port Acadie. Ses recherches portent sur la diaspora acadienne, sur la Louisiane francophone et sur le monde atlantique. Son livre Afro-Creole Poetry in French from Louisiana’s Radical Civil War-Era Newspapers: A Bilingual Edition (The Historic New Orleans Collection, 2020) a remporté le prix Lois-Roth pour la traduction littéraire, décerné par la Modern Language Association. 

Carmen d’Entremont se penchera sur les migrations acadiennes dans le cadre de son stage postdoctoral

Pointe-de-l’Église (N.-É.), le 21 septembre 2021 – Ethnologue expérimentée dans le domaine des traditions orales des régions acadiennes, Carmen d’Entremont effectue présentement un stage postdoctoral qui vise à retracer les motifs et les impacts des migrations circulaires entre les régions de Par-en-Bas et la Nouvelle-Angleterre.

Chercheuse associée de l’Observatoire Nord/Sud et membre de l’équipe de la Chaire de recherche du Canada en études acadiennes et transnationales (CRÉAcT), son stage postdoctoral est financé par le projet Trois siècles de migrations francophones en Amérique du Nord (1640-1940) (TSMF). Ce dernier est sous la direction de l’historien Yves Frenette, titulaire de la Chaire de recherche du Canada de niveau 1 sur les migrations, les transferts et les communautés francophones, située à l’Université de Saint-Boniface.

« Carmen d’Entremont n’est pas une étrangère au sein du projet Trois siècles de migrations francophones, puisqu’elle était impliquée au Centre acadien et à l’Observatoire Nord-Sud, deux institutions partenaires importantes. Dans son nouveau rôle de stagiaire postdoctorale, cette expérience lui sera profitable, mais surtout elle contribuera au chantier de recherche sur les relations entre l’Acadie du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, particulièrement la région de Par-en-Bas, et la Nouvelle-Angleterre. En outre, elle apporte au projet une perspective ethnologique fort bienvenue. »

– Yves Frenette, titulaire de la Chaire de recherche du Canada de niveau 1 sur les migrations, les transferts et les communautés francophones à l’Université de Saint-Boniface

Le projet de recherche Trois siècles de migrations francophones en Amérique du Nord (1640-1940) explore la genèse et l‘évolution des populations francophones sur le continent nord-américain et nourrit les réflexions sur les enjeux de l’immigration, de la diversité culturelle et du vivre-ensemble.

Carmen se penchera plus particulièrement sur des questions d’identité avec l’aide de récits et de témoignages recueillis, qu’elle utilisera pour reconstituer l’historique des expériences migratoires (l’histoire orale) et saisir les points de vue, traditions, sentiments et valeurs de la culture étudiée (les traditions orales). Elle travaillera de près avec le professeur Clint Bruce, titulaire de la CRÉAcT, ainsi qu’avec des associations locales comme la Société historique acadienne de la Baie Sainte-Marie et le Musée des Acadiens des Pubnicos et Centre de recherche Père-Clarence-d’Entremont.

Collection de Carmen d’Entremont

À propos de l’Université Sainte-Anne

L’Université Sainte-Anne, la seule université francophone en Nouvelle-Écosse, offre des programmes d’études universitaires et collégiales ainsi que des programmes d’immersion et de formation sur mesure en français langue seconde. Reconnue pour l’excellence de ses programmes et son milieu de vie unique et exceptionnel, elle offre des occasions d’apprentissage expérientiel favorisant l’engagement et la réussite des étudiants et un contexte favorable à l’établissement d’une culture d’excellence en recherche et en développement. Résolument ancrée dans son milieu, elle est un partenaire de choix pour accroître la vitalité des régions entourant ses campus et de l’Acadie de la Nouvelle-Écosse dans son ensemble.

Pour plus d’information      

Rachelle LeBlanc, Directrice des communications et du marketing
Université Sainte-Anne
Tél. : 902-769-2114, poste 7222
Courriel : rachelle.leblanc@usainteanne.ca

«Les vieilles barrières n’existent plus» : premier discours d’investiture d’Edwin W. Edwards (1927-2021), quatre fois gouverneur de la Louisiane

Symboliquement, le geste allait résonner haut et fort, bien plus loin que la foule immense rassemblée pour la cérémonie d’investiture qui se déroulait sur les marches du capitole de l’État de Louisiane, le 9 mars 1972, à Bâton-Rouge, lorsque le nouveau gouverneur, le brillant et charismatique Edwin W. Edwards, a prêté serment d’abord en français, ensuite en anglais, pour marquer son entrée en fonction. C’était une revanche de l’histoire longtemps attendue en Louisiane, où la langue française avait été bannie des écoles publiques et honnie pendant des générations, au point d’être menacée de disparition. Quatre ans plus tôt, la création du Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL) avait inauguré une nouvelle dynamique de promotion du fait français et d’échanges avec les pays francophones. Né en 1927 dans la paroisse des Avoyelles, le gouverneur Edwards, qui avait débuté sa carrière d’avocat en desservant une clientèle francophone dans sa ville d’adoption de Crowley (paroisse d’Acadie), semblait incarner le renouveau qui animait la Louisiane aux tournant des années 1970.

Edwin W. Edwards en 1986, pendant son troisième mandat. (Source : 1986 Northwestern State University Potpourri Yearbook)

Décédé le 12 juillet 2021 à l’âge de 93 ans, Edwards a eu quatre mandats comme gouverneur d’un État dont il semblait réunir, en sa seule personne, l’esprit latin, la personnalité haute en couleur et les contradictions trop souvent tragiques. Tout en menant une importante réforme constitutionnelle pendant son premier mandat, il s’adonnait à un train de vie aux excès notoires et contribuait aux pratiques de trafic d’influence. Alors qu’il aurait pu devenir président, il allait être condamné pour taxage en 2001 avant de purger une peine de huit ans en prison fédérale. Du début à la fin, il était fier d’être francophone et fier de l’héritage francophone de la Louisiane.

Très tôt, le gouverneur Edwards s’est également engagé contre le racisme et pour la justice raciale. Fortement apprécié de la population afro-américaine, il voyait une convergence entre l’expérience historique des Cadiens – groupe qui comprenait, pour lui, les Créoles blancs des milieux ruraux – et celle des Noirs, anglophones comme francophones et créolophones. Afin de souligner cet aspect de sa contribution à la modernisation de la Louisiane, nous reproduisons ci-dessous des extraits en traduction française de son discours d’investiture de 1972, dont la version intégrale, en anglais et en français, se trouve ici :

Les aspirations véhiculées dans cette allocution sont exprimées dans cette phrase pleine d’espoir : «Les vieilles barrières imaginaires n’existent plus. Mon élection a détruit les vieux mythes, et un esprit nouveau est avec nous.»

Au revoir, Monsieur le Gouverneur…

Extraits de la traduction française du premier discours d’investiture du gouverneur Edwin W. Edwards, Bâton-Rouge, 9 mai 1972 (à partir du texte anglais publié dans le Daily Advertiser de Lafayette)

Révérends membres du clergé, Gouverneur et Mme McKeithen, distingués membres du Congrès, Mesdames et Messieurs de l’assemblée législative, citoyens de la Louisiane :

S’il y a une leçon que nous devrions avoir apprise au cours des vingt dernières années, c’est que les gouvernements des États vont soit assumer leurs responsabilités, soit être balayés par le courant de l’histoire, ne laissant que leur poussière pour s’accumuler sur leurs propres ruines.

Faire avancer la Louisiane

De nombreux États, comme le nôtre, sont empêtrés dans des systèmes tellement archaïques qu’ils n’ont pas eu l’occasion de se montrer à la hauteur de ces responsabilités. De plus en plus d’États réalisent que si leurs gouvernements doivent être efficaces, ils ne doivent pas être enchaînés par les idées du dix-neuvième siècle. […]

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Workshop with author David Vermette (May 21, 2021): Family Stories and Documentary Research

Community members are invited to participate in a series of workshops to explore the use of archival collections in the preparation of books of various genres, on various topics. This initiative is a project of Université Sainte-Anne’s Observatoire Nord/Sud and the Société acadienne de Clare, with the support of the Nova Scotia Health Authority.

Annapolis Alumnus Makes Publishing Debut | St. John's College

The first discussion and workshop will be held on Friday, May 21, at 1:30 p.m. AST (12:30 EST/11:30 CST) and will feature David Vermette, author of A Distinct Alien Race: The Untold Story of Franco-Americans – Industrialization, Immigration, Religious Strife (Baraka Books, 2018). The activity will follow the following format: open discussion with Mr. Vermette about his research followed by a workshop on « Family Stories and Documentary Research. »

The public may access the meeting on Zoom through this link: https://us02web.zoom.us/j/88048258080?pwd=U2dGN29CMjBSVkFtc1k5dlk2ME5OZz09

Lauded by readers and critics, Mr. Vermette’s book recounts the saga of the million French-Canadians who immigrated to the northeastern United States in the late nineteenth and early twentieth centuries. Historian Patrick Lacroix offers these comments in a review published in the prestigious Revue d’histoire de l’Amérique française:

« Vermette also offers a convincing nuance to some works that make religious and linguistic survival the fundamental fact of the Franco-American saga. While acknowledging the sincere desire of expatriates to live their traditional culture on American soil, the author turns away from a slim elite of priests and newspaper editors whose power has perhaps been overestimated. He seeks to capture the painful daily life of a people transplanted to foreign soil – soil that may have seemed foreign even to native-born Franco-Americans. If there is one subject that connects the four themes of the work, it is the challenge faced by several generations of Francos to navigate economic structures and civic institutions in their subaltern position. »

The topic of the workshop will be a great interest to community-based researchers who wish to learn more about resources for local and family history in a transnational perspective. Please join us!

This activity will also contribute to our research on Acadian migrations to the United States through the project Trois siècles de migrations francophones en Amérique du Nord, 1640-1940.

Les premiers voyages du père Maurice LeBlanc en Louisiane (Au rythme de notre monde, dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, 12 et 26 mars 2021)

Les deux parties de cette chronique ont paru dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, dans son édition du 12 mars 2021 et celle du 26 mars 2021, sous la rubrique «Au rythme de notre monde».

Première partie (chronique du 12 mars 2021)

En 1955, le bicentenaire de la Déportation a été commémoré non seulement dans les communautés acadiennes des provinces Maritimes, mais également en Louisiane. Dès le mois de janvier, des cérémonies et activités à caractère patrimonial ont été organisées à Lafayette, au cœur du pays cadien et créole. Le coup d’envoi de ces manifestations a attiré plusieurs délégations venues de l’étranger, y compris du Canada, bien sûr. Parmi leur nombre se trouvait le regretté père Maurice LeBlanc (1924-2021), dont le récent décès à l’âge vénérable de 96 ans vient d’endeuiller l’Acadie entière.

Même si je n’ai pas connu le père Maurice pendant des décennies comme beaucoup d’entre vous, lectrices et lecteur du Courrier, son départ n’a pas manqué de m’affliger. Dès mon arrivée à l’Université Sainte-Anne à l’été 2015, j’ai eu plusieurs occasions de fréquenter cet Acadien et homme d’église au cœur généreux et aux talents multiples qui, en prenant connaissance de mes recherches sur la diaspora acadienne, s’est empressé de me dire qu’il avait visité la Louisiane, mon État natal, par quatre fois. 

Son premier voyage remontait aux fêtes du bicentenaire de la Déportation en 1955 alors qu’il était professeur d’histoire de l’art au Collège du Sacré-Cœur à Bathurst (Nouveau-Brunswick). Les autres déplacements se sont effectués en 1964, en compagnie de sa mère et de l’une de ses sœurs; en 1987, pendant qu’il était président de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse; et une dernière fois à l’occasion du Congrès mondial acadien—Louisiane 1999. Autant d’occasions d’apprécier et de mieux approfondir le lien acadien.

La participation du père Maurice aux commémorations de 1955 n’a rien de surprenant. Son père, le docteur Joseph-Émile LeBlanc (1890-1957), fervent défenseur du fait francophone, avait prononcé un discours de bienvenue au Collège Sainte-Anne lorsqu’une délégation louisianaise, composée surtout de jeunes « Évangélines » recrutées par le truculent sénateur Dudley J. LeBlanc, avait visité la Nouvelle-Écosse en 1930. Le père Maurice se rappelait lui-même la seconde visite des Évangélines du sénateur LeBlanc, en 1936, quand il n’avait que 11 ans.

C’est 80 ans plus tard, en août 2016, que j’ai pris rendez-vous avec le père Maurice pour qu’il me raconte quelques-uns de ses souvenirs. Le soleil souriait sur la péninsule de Pubnico quand je suis arrivé chez lui, à quelques pas du Musée des Acadiens des Pubnicos. Tout sourire lui-même, il m’a accueilli dans la maison où son père avait exercé sa pratique et où sa mère, Jeannette d’Entremont, enseignante, avait élevé leurs cinq enfants. Après quelques minutes de conversation, nous nous sommes installés dans son salon, pièce qui servait aussi d’atelier de peinture. C’était le tout premier entretien d’un important projet de la Chaire de recherche en études acadiennes et transnationales (CRÉAcT), La diaspora acadienne au fil de nos histoires.

Celles et ceux qui ont connu le père Maurice savent qu’il aimait voyager. La semaine avant notre entretien, il revenait de Philadelphie où il avait rendu visite à sa sœur cadette, Simone. Plus jeune, en tant que membre de la Congrégation de Jésus et Marie, dite des Eudistes, il avait vécu deux ans en Europe, de 1956 à 1958. Sa passion des arts et de la culture l’a amené à découvrir les musées et salles de concert de plusieurs grandes villes, de part et d’autre de l’Atlantique. Or, notre conversation allait m’apprendre un détail digne de mention sur le bicentenaire de 1955 : « C’était vraiment un premier voyage lointain que je faisais dans ma vie », a-t-il expliqué.

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Le 13 décembre, Jour du souvenir acadien : un peu de contexte / December 13, Acadian Remembrance Day: Some Essential Background

Peeking bravely over the Gulf of Maine, Cape Saint Mary (Nova Scotia) offers one of Clare’s most majestic views, appreciated by locals and visitors alike. In the summer of 2018, the Cape Saint Mary Lighthouse Park became an important commemorative site upon the inauguration of a poignant, commanding monument in honor of fishermen and all residents from our community who have lost their lives at sea. (Click here to learn more about this project and the sculpture by artist Mark Graff, « Coming Home. ») A decision was made to underscore the link between these tragic deaths and the victims of shipwrecks during the years of the Acadian Deportation, or Grand Dérangement. This human catastrophe, both a crime and a sacrifice, is recalled each December 13th, known as the Acadian Remembrance Day. It was an honor for me to work with Édouard LeBlanc in composing the text for a panel designed by Denise Saulnier for the Municipality of Clare and the Société acadienne de Clare. Though succinct, our explanations draw from original accounts, published research, and consultation with Stephen A. White (Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson) who kindly shared his latest findings and estimations. On this Acadian Remembrance Day 2020, it seems appropriate to make this content available to any and all, near and far. Please note that the English versions follow the French.

Surplombant avec intrépidité le golfe du Maine, le cap Sainte-Marie (Nouvelle-Écosse) offre l’une des vues panoramiques les plus majestueuses de la région de Clare. Or, en été 2018, le Parc du phare au cap Sainte-Marie est devenu un important site commémoratif suite à l’inauguration d’un touchant et imposant monument en l’honneur des pêcheurs et de tous les résidents de notre communauté ayant perdu la vie en mer. (Cliquez ici pour en savoir davantage sur ce projet et sur la sculpture de l’artiste Mark Graff, «Coming Home».) La décision avait été prise de souligner le lien entre ces morts tragiques, d’une part, et le souvenir des victimes des naufrages pendant la Déportation des Acadiens ou le Grand Dérangement, d’autre part. Ce désastre humain, à la fois crime et sacrifice, est rappelé chaque 13 décembre à l’occasion du Jour du souvenir acadien. C’était un honneur pour moi de collaborer avec monsieur Édouard LeBlanc à la préparation d’un texte destiné au panneau conçu par Denise Saulnier pour le compte de la Municipalité de Clare et de la Société acadienne de Clare. Quoique succinctes, nos explications s’appuient sur des documents historiques, des travaux publiés et une consultation avec Stephen A. White (Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson) qui a eu la bonté de me faire part de ses plus récentes recherches. En ce Jour du souvenir acadien 2020, il m’a semblé juste et digne de mettre ce contenu à la disposition de tout le monde, partout au monde.

Victimes des naufrages pendant le Grand Dérangement (The English version follows below.)

Le monument aux personnes noyées de Clare incite à nous rappeler que de nombreux Acadiens et Acadiennes perdirent la vie à l’époque des Déportations par les autorités britanniques, entre 1755 et 1763. Sur une population totale de plus de 14 000, on estime environ 3 000 décès, dont un grand nombre pendant les voyages en mer.

En 1758, près de 800 déportés moururent lors de la perte de trois navires de la marine anglaise : le Violet, le Duke William et le Ruby. Ces bâtiments faisaient partie de convois chargés d’évacuer de force la population acadienne de l’Île Saint- Jean (l’Île-du-Prince-Édouard) après la chute de Louisbourg, forteresse française de l’Île Royale (le Cap-Breton), à l’été 1758. Ayant pris le large le 25 novembre, le Violet et le Duke William transportaient 583 prisonniers. À l’approche des côtes d’Angleterre, des fuites se déclarèrent dans les deux vaisseaux. Le Violet sombra le 12 décembre, à quelques encâblures du Duke William dont l’équipage et les passagers acadiens déployaient des efforts désespérés. Le lendemain, le bateau fut abandonné par ses marins, accompagnés du curé de l’île Saint-Jean, Jacques Girard. Il coula peu après; seulement quatre Acadiens purent gagner le littoral.

Ce désastre figure parmi les accidents les plus meurtriers de l’histoire de la Royal Navy. Dans une lettre écrite à Penzance (Cornouailles), le capitaine William Nichols prétendait que ses captifs s’étaient résignés à leur sort : « Ils se sont comportés avec la plus grande intrépidité et, jusqu’à leurs derniers instants, ils ont agi avec une grande force d’âme. »

Quant au Ruby, qui se dirigeait vers St-Malo (France) avec 310 Acadiennes et Acadiens à bord, celui-ci s’échoua dans les Açores le 16 décembre 1758. Un rapport signala la disparition tragique de 190 passagers.

Victims of shipwrecks during the Grand Dérangement

The Lost to the Sea monument for the Municipality of Clare invites us to remember that numerous Acadian men and women lost their lives at the time of the Deportations by British authorities, between 1755 and 1763. Out of a total population of more than 14,000, we estimate approximately 3,000 deaths, of which a great number occurred at sea.

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