Immigrants acadiens d’Argyle en Nouvelle-Angleterre et leur attachement au pays d’origine (Carmen d’Entremont)

Carmen d’Entremont est stagiaire postdoctorale à l’Observatoire Nord/Sud dans le cadre de l’initiative Trois siècles de migrations francophones en Amérique du Nord et collaboratrice au projet Repenser l’Acadie dans le monde.

Entre le milieu du 19e siècle et la Seconde Guerre mondiale, 900 000 Canadiens français et plusieurs milliers d’Acadiens des Maritimes émigrent aux États-Unis. Lié à l’industrialisation, ce mouvement migratoire marquera l’histoire de l’Amérique française. Dans la région acadienne d’Argyle, au sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, ce sont des pêcheurs en quête de nouvelles opportunités qui amorcent l’émigration, contrairement au Québec où, aux débuts, la population migrante est majoritairement constituée d’agriculteurs endettés. C’est à partir de 1871, un peu plus tard qu’au Québec, que l’immigration acadienne prend de l’ampleur. Si on a beaucoup étudié l’émigration des Canadiens français aux États-Unis, l’expérience acadienne a attiré moins d’attention des chercheurs.

Au cours des années 1980 et 1990, Claire Quintal, directrice-fondatrice de l’Institut français du Collège de l’Assomption au Massachusetts, organisait une dizaine de colloques afin de promouvoir une meilleure connaissance de la francophonie nord-américaine. Les actes rassemblent une quantité impressionnante de connaissances. Les articles portant sur l’émigrant acadien examinent notamment les causes du mouvement et ses effets sur la démographie, les interventions de l’élite, le patrimoine folklorique et la survivance du peuple émigré. Parmi les études effectuées à cette époque, celle de Laura Sadowsky sur les Acadiens de Chéticamp à Waltham est la plus approfondie. Sadowsky démontre que l’implication d’institutions francophones comme la paroisse et la French cluba favorisé la préservation du folklore aux États-Unis. Selon elle, c’est en faisant appel à la chanson et à la danse que les immigrants ont réussi à maintenir leur identité ethnique. Plus récemment, quelques universitaires ont analysé la participation des femmes à ce mouvement migratoire. Plusieurs aspects de l’exode restent inexplorés.

Le texte que je rédige pour le collectif Repenser l’Acadie dans le monde vise à cerner ce qui reste de l’acadianité chez une douzaine de descendants d’immigrants acadiens d’Argyle ayant vécu en Nouvelle-Angleterre pendant un minimum de 20 ans, et à saisir les moyens employés pour entretenir un sentiment d’appartenance. L’étude s’appuie sur un corpus d’entretiens constitué dans le cadre du projet « Trois siècles de migrations francophones en Amérique du Nord », dirigé par l’historien Yves Frenette. Ici, je jetterai un coup d’œil sur les liens affectifs maintenus avec le lieu d’origine, notamment l’attachement à la Nouvelle-Écosse, un thème souvent évoqué lors des entretiens.

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L’Acadie de la Nouvelle-Écosse devant la Francophonie internationale : l’honorable Colton LeBlanc partage sa vision

Une version abrégée de cet entretien est parue dans l’édition du vendredi 28 janvier du Courrier de la Nouvelle-Écosse, sous la rubrique «Au rythme de notre monde».

Dans quelle mesure est-ce les préoccupations de la collectivité francophone forment une priorité pour le gouvernement actuel de notre province ? Par suite de la parution de la chronique du 17 décembre dernier, au sujet de la délégation acadienne en France au mois précédent, j’ai eu la chance de m’entretenir à ce sujet avec l’honorable Colton LeBlanc (PC), député de la circonscription d’Argyle à l’Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse.

Originaire de Quinan (Par-en-Bas) et diplômé de l’Université Sainte-Anne, M. LeBlanc a été élu d’abord en 2019 puis réélu en août 2021. Avec Ronnie LeBlanc (PL-Clare) et Trevor Boudreau (PC-Richmond), il fait partie de la députation provenant des circonscriptions acadiennes rétablies. Il occupe actuellement plusieurs postes au sein du gouvernement de Tim Houston, dont ceux de ministre de la Commission du service public, ministre de Service Nouvelle-Écosse et des Services internes, et – ce qui est d’un intérêt particulier pour le lectorat du Courrier ­– ministre des Affaires acadiennes et de la Francophonie.

Le mercredi 12 janvier, M. Colton, qui a participé au voyage à Paris organisé sous l’égide de la Société nationale de l’Acadie, m’a parlé de cette expérience marquante ainsi que de quelques projets à l’horizon pour la francophonie néo-écossaise.

Tout d’abord, je tiens à vous féliciter pour votre élection ainsi que votre nomination à des postes importants au sein du cabinet. Ces marques de confiance en disent long sur l’estime dont vous jouissez aux yeux de la population et, bien entendu, auprès du premier ministre. Comment arrivez-vous à équilibrer les divers dossiers dont vous avez la responsabilité ?

En premier lieu, être député d’une circonscription acadienne est d’une grande importance pour moi. Je suis ravi d’avoir pu voir le rétablissement des circonscriptions acadiennes en Nouvelle-Écosse. Alors, mon travail comme député de jour en jour, c’est là ma grande priorité.

Certes, il y a les tâches supplémentaires en tant que ministre et, comme vous avez mentionné, j’ai la charge de quelques différents dossiers. Durant les premiers mois de notre mandat comme gouvernement, j’ai eu bien d’occasions de rencontrer les membres de mes équipes à travers mes ministères et à travers le gouvernement. Ça fait pas mal de jonglage de jour en jour et il faut donc bien planifier ma semaine. Il y a des sessions de breffage, des réunions à des temps fixes au sujet des différents dossiers et priorités. En plus, avec la technologie qui existe aujourd’hui, on peut toujours maintenir les communications avec la circonscription.

On comprend bien sûr les responsabilités qui sont sur nos épaules comme gouvernement, mais on voit aussi les possibilités pour notre province puis pour le peuple néo-écossais. On a des buts très ambitieux pour la Nouvelle-Écosse tout en fonçant sur les défis dans le système de santé, dans l’économie et sur le plan du logement, par exemple. Mais le premier ministre a été très clair qu’il veut doubler la population Néo-Écossaise d’ici 2060. Alors il faut qu’on se penche certainement sur l’immigration et je vois l’immigration francophone comme étant un élément clé et nécessaire pour faire avancer la population, y compris la population acadienne et francophone de la Nouvelle-Écosse.

Alors c’est beaucoup de jonglage, mais c’est une grande responsabilité qui me tient à cœur – surtout pour les dossiers des Affaires acadiennes et de la Francophonie. […]

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Photoblogue : la CRÉAcT visite l’île Georges à Halifax

Dans le havre nommé Kjipuktuk par les Mi’kmaq, à quelques jets de pierre des quais de la ville d’Halifax, se dressent les formes drumlinoïdes – c’est-à-dire, formées de collines douces – de l’île Georges. Normalement fermé au public, ce site est devenu accessible pendant plusieurs fins de semaine de l’été 2020. L’équipe de la CRÉAcT s’y est rendue.

Au milieu du 18e siècle, ce lieu a servi de prison pour détenir de nombreux Acadiennes et Acadiens pendant la Déportation, comme cela est expliqué dans la dernière chronique parue dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse : «L’île Georges, au cœur de la mémoire acadienne» (18 septembre 2020). Pour une compréhension approfondie du sujet, il est possible de lire l’étude de l’historien Ronnie-Gilles LeBlanc, «Les Acadiens à Halifax et dans l’île Georges, 1755-1764».

Nous étions quatre à entreprendre cette excursion, moi-même en compagnie de trois étudiant-e-s de l’Université Sainte-Anne. L’un de nos constats, c’est que même s’il y a des efforts pour valoriser l’expérience acadienne, celle-ci n’a pas été suffisamment expliquée par les guides. Nous avons donc choisi de présenter et de commenter des photos que nous avons prises sur place, afin de permettre aux gens de mieux imaginer cet épisode tragique. Pour agrandir une photo, il suffit de cliquer sur l’image.

Sélection d’Audrey Paquette-Verdon, coordinatrice de l’Observatoire Nord/Sud

(1) Photo de Bailey Ross – Le moment où fut prise cette photo n’aurait pas pu être plus fortuite. La capture est suffisamment proche pour voir les bâtiments de l’Île Georges, tout en démontrant la hauteur de celle-ci – ses courbes, etc. J’adore qu’on puisse voir les gens la visiter au loin, car cela démontre l’intérêt pour l’histoire et le désir d’en savoir plus.

(2) Photo d’Audrey Paquette-Verdon – Cette photo nous permet de se sentir comme «dans le temps». On dirait que nous faisons partie du décor. La focalisation permet également de se sentir d’autant plus ancrée dans l’Île. On ne dirait pas, si l’image était en noir et blanc, qu’elle venait de notre époque. Tout se passe comme si celle ou celui qui regarde la photo était omniprésent.

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«La recherche, ce n’est pas un sprint, c’est un marathon» : entretien avec Cody Donaldson, récent diplômé de l’Université Sainte-Anne et assistant auprès la CRÉAcT

Membre de l’équipe de la CRÉAcT depuis 2016, Cody Donaldson vient de terminer ses études de premier cycle à l’Université Sainte-Anne. Lors de la cérémonie de remise des diplômes, le 11 mai 2019, il a remporté deux prix d’excellence, autant d’honneurs qui témoignent du sérieux intellectuel de ce jeune homme pour qui découvrir et apprendre apportent une réelle joie. C’est en lui faisant part de nos plus vives félicitations ainsi que de notre plus profonde reconnaissance pour ses contributions, en tant qu’assistant de recherche, aux projets de la Chaire, que nous présentons cet entretien avec Cody.

Décrivez votre parcours à l’Université Sainte-Anne. Qu’est-ce que vous avez étudié et dans quel but ?

Je suis récemment diplômé du programme B.A./B.Ed. en enseignement au niveau secondaire (majeure en français, mineure en histoire). J’ai passé cinq années à l’Université Sainte-Anne, riches en moments inoubliables. D’abord, je me suis intéressé au domaine de l’éducation puisque c’est le moyen par lequel j’ai eu le goût du français, qui n’est pas ma première langue. Mon rêve, en ce qui concerne ma carrière, est donc de faire naître chez mes élèves la même passion pour la langue française. Je fais actuellement de la suppléance dans des écoles du CSAP [Conseil scolaire acadien provincial] et je débuterai ma première pleine année d’enseignement au mois de septembre.

D’où êtes-vous originaire ? Quel a été votre cheminement jusqu’ici ?

Mon village d’origine, Argyle, est situé au bord de la mer et fait partie de la région de Par-en-bas. J’ai fait mes études élémentaires et secondaires à l’école Drumlin Heights dans le programme d’immersion et c’est en septembre 2014 que je suis arrivé à l’Université Sainte-Anne. Cela veut dire que, jusqu’à maintenant, je n’ai eu que deux lieux de résidence dans ma vie : la maison où j’ai grandi et ma résidence à l’université. J’ai fait mes stages d’enseignement dans quelques-unes des écoles secondaires du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, y compris l’École secondaire de Par-en-Bas.

En 2017, j’ai eu l’occasion de me rendre en Louisiane avec l’équipe de la CRÉAcT pour mener des recherches de terrain et dans les centres d’archives. Nous avons visité plusieurs sites culturels et organisé une journée d’immersion française en collaboration avec le centre NUNU à Arnaudville. Ce voyage était une expérience très formatrice de mon assistanat qui m’a profondément marqué.

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L’équipe de la CRÉAcT dans la salle de consultation de la Hill Memorial Libary, Louisiana State University (Bâton-Rouge), été 2017.

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