Immigrants acadiens d’Argyle en Nouvelle-Angleterre et leur attachement au pays d’origine (Carmen d’Entremont)

Carmen d’Entremont est stagiaire postdoctorale à l’Observatoire Nord/Sud dans le cadre de l’initiative Trois siècles de migrations francophones en Amérique du Nord et collaboratrice au projet Repenser l’Acadie dans le monde.

Entre le milieu du 19e siècle et la Seconde Guerre mondiale, 900 000 Canadiens français et plusieurs milliers d’Acadiens des Maritimes émigrent aux États-Unis. Lié à l’industrialisation, ce mouvement migratoire marquera l’histoire de l’Amérique française. Dans la région acadienne d’Argyle, au sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, ce sont des pêcheurs en quête de nouvelles opportunités qui amorcent l’émigration, contrairement au Québec où, aux débuts, la population migrante est majoritairement constituée d’agriculteurs endettés. C’est à partir de 1871, un peu plus tard qu’au Québec, que l’immigration acadienne prend de l’ampleur. Si on a beaucoup étudié l’émigration des Canadiens français aux États-Unis, l’expérience acadienne a attiré moins d’attention des chercheurs.

Au cours des années 1980 et 1990, Claire Quintal, directrice-fondatrice de l’Institut français du Collège de l’Assomption au Massachusetts, organisait une dizaine de colloques afin de promouvoir une meilleure connaissance de la francophonie nord-américaine. Les actes rassemblent une quantité impressionnante de connaissances. Les articles portant sur l’émigrant acadien examinent notamment les causes du mouvement et ses effets sur la démographie, les interventions de l’élite, le patrimoine folklorique et la survivance du peuple émigré. Parmi les études effectuées à cette époque, celle de Laura Sadowsky sur les Acadiens de Chéticamp à Waltham est la plus approfondie. Sadowsky démontre que l’implication d’institutions francophones comme la paroisse et la French cluba favorisé la préservation du folklore aux États-Unis. Selon elle, c’est en faisant appel à la chanson et à la danse que les immigrants ont réussi à maintenir leur identité ethnique. Plus récemment, quelques universitaires ont analysé la participation des femmes à ce mouvement migratoire. Plusieurs aspects de l’exode restent inexplorés.

Le texte que je rédige pour le collectif Repenser l’Acadie dans le monde vise à cerner ce qui reste de l’acadianité chez une douzaine de descendants d’immigrants acadiens d’Argyle ayant vécu en Nouvelle-Angleterre pendant un minimum de 20 ans, et à saisir les moyens employés pour entretenir un sentiment d’appartenance. L’étude s’appuie sur un corpus d’entretiens constitué dans le cadre du projet « Trois siècles de migrations francophones en Amérique du Nord », dirigé par l’historien Yves Frenette. Ici, je jetterai un coup d’œil sur les liens affectifs maintenus avec le lieu d’origine, notamment l’attachement à la Nouvelle-Écosse, un thème souvent évoqué lors des entretiens.

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Chroniques de la Côte : la carrière du capitaine de bateau à vapeur J. Gustave Landry (1818-1873), d’origine acadienne – 2ème partie

La perception de la société cadienne nous renvoie constamment à des stéréotypes : trappeurs évoluant dans un décor exotique, bons vivants ne faisant qu’attendre le Mardi gras, paysans bonasses ayant mené une existence bucolique jusqu’à leur brusque américanisation au début du 20e siècle… et ainsi de suite. Toutefois, l’évolution de la diaspora acadienne en Louisiane, implantée dans le sillage des Déportations de l’Acadie (1755-1763), n’est guère réductible à ces poncifs certes pittoresques, mais décidément simplistes.

En témoignent le milieu et la carrière du capitaine J. Gustave Landry, que nous avons commencé à explorer dans un précédent article des Carnets Nord/Sud. Issu d’une famille de planteurs de canne à sucre de la paroisse de l’Ascension, dont le membre le plus célèbre était son oncle et beau-père Trasimond Landry (1795-1873), qui fut lieutenant-gouverneur de la Louisiane de 1846 à 1850, le capitaine Landry allait témoigner au cours de sa vie de l’intégration économique, politique et, jusqu’à certain point, sociale de la communauté francophone en contexte états-unien. Et il allait contribuer à ce processus en vertu de son implication dans le domaine des transports fluviaux, bien que ses activités professionnelles ne se limitent pas à ce secteur. 

Pour plusieurs observateurs de l’époque, l’amélioration des technologies, des infrastructures et des réseaux de communication était destinée à assurer la cohésion nationale. De retour d’un séjour aux États-Unis au tournant des années 1820, l’aristocrate suédois Axel Klinkowström (1775-1837) exprimait sa conviction que la navigation à vapeur, étant susceptible de « faciliter les communications » et « d’ouvrir de nouvelles routes commerciales », pouvait souder les nations aux territoires immenses et aux populations diverses, comme les États-Unis et la Russie. À ses yeux, cette révolution des transports contribuerait « puissamment à rapprocher les hommes et à resserrer de plus en plus les liens d’une fraternelle union entre les habitants des contrées les plus éloignées[1]. »

Une vingtaine d’années plus tard, un magazine américain allait abonder dans le même sens : « [La navigation à vapeur] donnera à la république un cœur national et un esprit national[2]. » Tel se voulait le sentiment dominant à l’époque où, en entrant dans la fleur de l’âge, Gustave Landry envisageait, avec son partenaire William Winchester, la construction et l’acquisition de l’Eliska, bateau à vapeur nommé en l’honneur de son épouse Éliska Mire et mis en service en octobre 1846.

La popularité de son itinéraire entre La Nouvelle-Orléans et Bâton-Rouge, qui allait de pair avec la réputation reluisante de son capitaine, a été exposée dans ma première chronique.

Transatlantic sketches–the Mississippi River. The Illustrated London News, 10 avril 1858 (Library of Congress – https://www.loc.gov/item/2008680447/)

Une contradiction s’impose, pourtant. En même temps que la navigation interne aide, dans la première moitié du 19e siècle, à unifier le pays, elle contribue également à l’expansion de l’institution qui va diviser les États-Unis au point de déclencher la guerre civile de 1861-65 : il s’agit bien sûr de l’esclavage. Autre contradiction flagrante, qui n’est pas des moindres : ce sont les richesses créées par le système esclavagiste qui, tout en se fondant sur la misère humaine, assurent la prospérité du « pays de la liberté » en tant que puissance industrielle, comme le rappelle l’historien Edward E. Baptist dans son ouvrage The Half Has Never Been Told: Slavery and the Making of American Capitalism (Basic Book, 2014).

Né dans un milieu profondément esclavagiste, J. Gustave Landry n’évolue guère en marge de ces réalités, car les perspectives qui s’offrent à lui sont définies par l’esclavagisme.

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Chroniques de la Côte : la carrière du capitaine J. Gustave Landry (1818-1873), d’origine acadienne – 1ère partie

L’héritage des bateaux à vapeur habite ma conscience depuis ma prime enfance. Nichée dans le nord-ouest de la Louisiane, ma ville natale de Shreveport porte le nom du capitaine Henry Miller Shreve (1785-1851), ingénieur et navigateur qui, d’après l’abrégé de sa carrière qui nous fut exposé à l’école, avait dégagé la rivière Rouge de son « grand radeau », soit un ensemble d’embâcles naturels formés de troncs d’arbres et de dépôts, dans les années 1830. Son exploit avait ouvert notre région au trafic fluvial et, du coup, contribué à l’expansion de la nation états-unienne après l’acquisition de la Louisiane au début du dix-neuvième siècle.

Connue depuis longtemps et appliquée aux transports à partir du dix-huitième siècle, la technologie de la vapeur allait devenir un important moteur de la révolution industrielle et de la mondialisation économique. Dans une étude devenue classique, Louis C. Hunter et Beatrice Hunter résument, sur un ton triomphaliste, son rôle dans la colonisation de l’intérieur du continent nord-américain : « Dans le développement de la plus grande partie du vaste bassin du Mississippi, qui est passée d’une société frontalière brute à la maturité économique et sociale, le bateau à vapeur a été le principal agent technologique. Pendant le deuxième quart du dix-neuvième siècle, les roues du commerce dans cette vaste région étaient littéralement des roues à aubes[i]. »

Henry Miller Shreve n’est pas le seul pionnier dont le nom est retenu par la postérité : avant lui, il y avait notamment Robert Fulton (1765-1815), également l’inventeur du premier sous-marin (Nautilus), et son associé Robert Livingston (1746-1813), diplomate et partenaire dans la construction du North River Steamboat, lancé en 1807. Dans leur sillage, une foule d’autres individus, bien moins connus, allaient participer de l’essor de la navigation fluviale à cette époque. En Louisiane, certains d’entre eux sont issus de la communauté francophone, voire de la diaspora acadienne. Dans ce billet, il sera question du capitaine Joseph Gustave Landry (1818-73), d’origine acadienne.

Le port de La Nouvelle-Orléans vers 1851. John Bachmann, « Birds’ eye view of New-Orleans » (New York : A. Guerber & Co., c1851; Library of Congress : https://lccn.loc.gov/93500720)

Cette modeste esquisse vient inaugurer un nouveau volet des Carnets Nord/Sud, c’est-à-dire les « Chroniques de la Côte ». Plutôt qu’à une façade océanique, le titre de cette série renvoie à la zone constituée par les rives du fleuve Mississippi entre La Nouvelle-Orléans et Bâton-Rouge – et plus précisément à la région dénommée « Côte des Acadiens » dès l’arrivée des premières familles acadiennes dans les années 1760, sous les auspices du gouvernement espagnol, et située dans les actuelles paroisses (civiles) de Saint-Jacques et de l’Ascension. Pays d’exploitations sucrières au dix-neuvième siècle, c’est aussi un foyer de la créolisation culturelle qui caractérise la Louisiane francophone, d’autant plus que la majorité de la population a été, pendant longtemps, d’ascendance africaine.

Les « Chroniques de la Côte » feront état, pour un public général, de certaines trouvailles et réflexions dans le cadre du projet : « Africains et Acadiens en Louisiane francophone », relevant de la Chaire de recherche du Canada en études acadiennes et transnationales (CRÉAcT) de l’Université Sainte-Anne.

Dans cet esprit, quelques éléments de la biographie et de la carrière du capitaine Landry nous permettent d’entrevoir l’intégration de la communauté d’origine acadienne dans la Louisiane américaine.

Bien qu’il vienne au monde après l’incorporation de la Louisiane dans le giron des États-Unis, le souvenir du Grand Dérangement n’est pas très éloigné dans sa famille. Son grand-père Joseph Landry, dit Bel Homme (1752-1814), est né à Grand-Pré en 1752, avant d’être déporté avec ses parents vers le Maryland. C’est d’ailleurs dans cette colonie que naît la future grand-mère du capitaine Landry, Anne Bujol (1758-1816), fille des exilés Joseph Bujol et Anne LeBlanc. Sa famille s’étant installée en Louisiane, Joseph se marie pour une première fois en 1775, puis, veuf, épouse Anne en novembre 1779. Fermier esclavagiste qui « possède » déjà quatre personnes à cette époque, c’est un officier de la milice qui, plus tard, tâtera de la politique, se faisant élire à l’assemblée législative louisianaise.

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L’immigration au Québec et « le sort de la Louisiane » : jusqu’où pousser la comparaison?

Il y a toutes sortes de façons de mettre les pieds dans le plat. Il y a quelques jours, le premier ministre du Québec, François Legault, revendiquait pour sa province une plus grande autonomie en matière d’immigration, et ce, dans le but de mieux déterminer le profil linguistique des nouvelles arrivantes et nouveaux arrivants. Cette revendication suit de près l’adoption de deux lois destinées à renforcer l’autonomie et le caractère distinct de la nation québécoise, soit la Loi sur la laïcité de l’État (ou Loi 21), en vigueur depuis juin 2019, et la toute récente Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (projet de loi n° 96), qui vient moderniser la Charte de la langue française (ou Loi 101) de 1977.

Dans une allocution prononcée à l’occasion d’un congrès de la Coalition avenir Québec, à Drummondville, il affirmait : «Il est important que les Québécois comprennent bien l’urgence de rapatrier les pouvoirs d’immigration.» Il s’agirait, selon lui, d’une question de mort ou de vie pour la langue française et, sans ces moyens, « cela pourrait devenir une question de temps avant que nous devenions une Louisiane ».

En évoquant cet État américain dans ces termes, monsieur Legault faisait allusion au déclin de la langue française depuis l’époque coloniale et à la perte d’influence de la population francophone, jusqu’à la disparition plus ou moins totale de cette dernière (d’après la perception de Legault) au tournant du siècle présent. La perspective d’une éventuelle «louisianisation» servirait donc d’avertissement et de repoussoir vis-à-vis des aspirations du Québec.

Cette comparaison, forcément péjorative, n’a pas tardé à susciter un petit tollé. Plusieurs membres des autres partis ont fait entendre leurs réactions, de même que quelques chercheurs universitaires, dont votre humble serviteur dans un reportage de Radio-Canada. A également été sollicité le point de vue d’un autre Louisianais, l’entrepreneur en tourisme Joseph Dunn, ancien directeur du Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL), qui déplore l’instrumentalisation politique d’«une image de la Louisiane qui est fausse».

N’est-ce pas un exercice légitime, pourtant, que d’étudier d’autres sociétés et d’en tirer des leçons? Et a fortiori à l’échelle de la francophonie nord-américaine? Voici trois éléments contextuels à considérer…

1) Les propos de François Legault s’inscrivent dans une longue tradition discursive au Québec. Brandir le contre-exemple de la Louisiane n’a absolument rien d’original; c’est même une vieille rengaine. Au début des années 1830, soit une vingtaine d’années après l’entrée officielle de la Louisiane dans le giron des États-Unis, le journaliste et politicien Étienne Parent (1802-1874) lâchait une phrase choc, devenue célèbre : «Le sort de la Louisiane nous fait trembler.» Pris tout seul, cet énoncé donne l’impression de conforter le souverainisme québécois moderne. Toutefois, l’argument de Parent n’allait pas du tout dans ce sens-là, car il plaidait en fait pour le maintien du Canada français au sein de l’Empire britannique plutôt que de s’en séparer ou d’être annexé par les États-Unis. Dans une certaine optique nationaliste, la mobilisation du trope de la «louisianisation» fait partie d’un répertoire de comparaisons devenues récurrentes avec d’autres groupes francophones minoritaires, dont l’Acadie des Maritimes – pour signaler le danger de «l’acadianisation», dans ce cas-là. Mes collègues Laurence Arrighi (U. de Moncton) et Émilie Urbain (Carleton U.) ont analysé l’obsession québécoise des «mauvais exemples» de la francophonie nord-américaine dans une série de travaux on ne peut plus éclairants, dont un exemple est cité en note de fin[1]. Chez François Legault, ce thème épouse le rejet populiste de la différence et de l’Autre.

2) Le recours à un tel raccourci revient à nier la richesse de l’expérience franco-louisianaise. La Louisiane d’héritage francophone est une société complexe dont l’évolution ne se prête guère à une simplification lapidaire. Multiraciale et multilingue (en tenant compte du créole louisianais, de l’espagnol et de l’anglais, bien sûr, sans oublier les langues autochtones), la réalité franco-louisianaise s’est construite au départ en fonction de l’esclavagisme, qui formait autrefois la base de l’économie et de la structure sociale, tandis que le destin de la langue française a été conditionné par la hiérarchie raciale, d’une part, et par l’idéologie monolinguiste qui prévaut aux États-Unis, d’autre part. Fait important, le français en Louisiane n’est pas la propriété d’un seul groupe ethnique, étant historiquement pratiqué par les Créoles de diverses origines, par plusieurs peuples autochtones qui l’ont adopté à partir du 18e siècle – et chez qui il demeure vivace de nos jours – et bien sûr par les Cadiens, c’est-à-dire la population blanche s’identifiant à la diaspora acadienne. S’il est vrai que le nombre de locuteurs accuse une chute libre depuis plusieurs décennies, il n’en est pas moins vrai que les efforts de revitalisation linguistique ont donné lieu à tout un réseau francophone et francophile qui assure une variété d’initiatives dans divers secteurs : éducation, médias, tourisme patrimonial, arts et culture et j’en passe. Ce n’est pas pour rien que la Louisiane a intégré l’Organisation internationale de la Francophonie en 2018 et que la secrétaire générale Louise Mushikiwabo vient d’y faire une tournée.

3) La rhétorique du repoussoir vient miner les efforts louables du Québec en matière de francophonie nord-américaine. Le gouvernement du Québec a pris des engagements sérieux vis-à-vis des autres communautés francophones d’Amérique du Nord et investit des ressources non négligeables. Par rapport aux collectivités francophones et acadienne du Canada, son approche est exposée dans la nouvelle Politique du Québec en matière de francophonie canadienne (mars 2022), qui exprime une vision solidaire et collaborative. Pour ce qui est des autres régions, le Centre de la Francophonie des Amériques, fondé en 2008, multiplie les initiatives pour stimuler les échanges et pour réaliser les potentialités continentales et hémisphériques des milieux francophones. La Louisiane n’est guère oubliée : avant la pandémie, la sixième édition de l’Université d’été du CFA devait justement se tenir en Louisiane, sur le campus de l’Université de Louisiane à Lafayette. Pourquoi faire si cette région-là n’a plus rien à offrir?

Boiteuses du point de vue historique, les remarques de François Legault ne font rien pour encourager une meilleure compréhension des réalités et contextes divers qui forment l’ensemble de la francophonie nord-américaine. Les politiques d’immigration constituent un dossier d’une grande importance qui mérite bien plus de réflexion que n’en véhiculent des raccourcis douteux de cet acabit. Espérons qu’il fera mieux à l’avenir… et faisons mieux, nous aussi.

M. Clint Bruce

[1] ARRIGHI, Laurence et URBAIN, Émilie, « Les “mauvais exemples” de la francophonie nord-américaine: intérêt des acteurs, construction des images, instrumentalisation des groupes », Les français d’ici: des discours et des usages, Québec, Presses de l’Université Laval, 2019, p. 11-32.

Carmen d’Entremont se penchera sur les migrations acadiennes dans le cadre de son stage postdoctoral

Pointe-de-l’Église (N.-É.), le 21 septembre 2021 – Ethnologue expérimentée dans le domaine des traditions orales des régions acadiennes, Carmen d’Entremont effectue présentement un stage postdoctoral qui vise à retracer les motifs et les impacts des migrations circulaires entre les régions de Par-en-Bas et la Nouvelle-Angleterre.

Chercheuse associée de l’Observatoire Nord/Sud et membre de l’équipe de la Chaire de recherche du Canada en études acadiennes et transnationales (CRÉAcT), son stage postdoctoral est financé par le projet Trois siècles de migrations francophones en Amérique du Nord (1640-1940) (TSMF). Ce dernier est sous la direction de l’historien Yves Frenette, titulaire de la Chaire de recherche du Canada de niveau 1 sur les migrations, les transferts et les communautés francophones, située à l’Université de Saint-Boniface.

« Carmen d’Entremont n’est pas une étrangère au sein du projet Trois siècles de migrations francophones, puisqu’elle était impliquée au Centre acadien et à l’Observatoire Nord-Sud, deux institutions partenaires importantes. Dans son nouveau rôle de stagiaire postdoctorale, cette expérience lui sera profitable, mais surtout elle contribuera au chantier de recherche sur les relations entre l’Acadie du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, particulièrement la région de Par-en-Bas, et la Nouvelle-Angleterre. En outre, elle apporte au projet une perspective ethnologique fort bienvenue. »

– Yves Frenette, titulaire de la Chaire de recherche du Canada de niveau 1 sur les migrations, les transferts et les communautés francophones à l’Université de Saint-Boniface

Le projet de recherche Trois siècles de migrations francophones en Amérique du Nord (1640-1940) explore la genèse et l‘évolution des populations francophones sur le continent nord-américain et nourrit les réflexions sur les enjeux de l’immigration, de la diversité culturelle et du vivre-ensemble.

Carmen se penchera plus particulièrement sur des questions d’identité avec l’aide de récits et de témoignages recueillis, qu’elle utilisera pour reconstituer l’historique des expériences migratoires (l’histoire orale) et saisir les points de vue, traditions, sentiments et valeurs de la culture étudiée (les traditions orales). Elle travaillera de près avec le professeur Clint Bruce, titulaire de la CRÉAcT, ainsi qu’avec des associations locales comme la Société historique acadienne de la Baie Sainte-Marie et le Musée des Acadiens des Pubnicos et Centre de recherche Père-Clarence-d’Entremont.

Collection de Carmen d’Entremont

À propos de l’Université Sainte-Anne

L’Université Sainte-Anne, la seule université francophone en Nouvelle-Écosse, offre des programmes d’études universitaires et collégiales ainsi que des programmes d’immersion et de formation sur mesure en français langue seconde. Reconnue pour l’excellence de ses programmes et son milieu de vie unique et exceptionnel, elle offre des occasions d’apprentissage expérientiel favorisant l’engagement et la réussite des étudiants et un contexte favorable à l’établissement d’une culture d’excellence en recherche et en développement. Résolument ancrée dans son milieu, elle est un partenaire de choix pour accroître la vitalité des régions entourant ses campus et de l’Acadie de la Nouvelle-Écosse dans son ensemble.

Pour plus d’information      

Rachelle LeBlanc, Directrice des communications et du marketing
Université Sainte-Anne
Tél. : 902-769-2114, poste 7222
Courriel : rachelle.leblanc@usainteanne.ca

Workshop with author David Vermette (May 21, 2021): Family Stories and Documentary Research

Community members are invited to participate in a series of workshops to explore the use of archival collections in the preparation of books of various genres, on various topics. This initiative is a project of Université Sainte-Anne’s Observatoire Nord/Sud and the Société acadienne de Clare, with the support of the Nova Scotia Health Authority.

Annapolis Alumnus Makes Publishing Debut | St. John's College

The first discussion and workshop will be held on Friday, May 21, at 1:30 p.m. AST (12:30 EST/11:30 CST) and will feature David Vermette, author of A Distinct Alien Race: The Untold Story of Franco-Americans – Industrialization, Immigration, Religious Strife (Baraka Books, 2018). The activity will follow the following format: open discussion with Mr. Vermette about his research followed by a workshop on « Family Stories and Documentary Research. »

The public may access the meeting on Zoom through this link: https://us02web.zoom.us/j/88048258080?pwd=U2dGN29CMjBSVkFtc1k5dlk2ME5OZz09

Lauded by readers and critics, Mr. Vermette’s book recounts the saga of the million French-Canadians who immigrated to the northeastern United States in the late nineteenth and early twentieth centuries. Historian Patrick Lacroix offers these comments in a review published in the prestigious Revue d’histoire de l’Amérique française:

« Vermette also offers a convincing nuance to some works that make religious and linguistic survival the fundamental fact of the Franco-American saga. While acknowledging the sincere desire of expatriates to live their traditional culture on American soil, the author turns away from a slim elite of priests and newspaper editors whose power has perhaps been overestimated. He seeks to capture the painful daily life of a people transplanted to foreign soil – soil that may have seemed foreign even to native-born Franco-Americans. If there is one subject that connects the four themes of the work, it is the challenge faced by several generations of Francos to navigate economic structures and civic institutions in their subaltern position. »

The topic of the workshop will be a great interest to community-based researchers who wish to learn more about resources for local and family history in a transnational perspective. Please join us!

This activity will also contribute to our research on Acadian migrations to the United States through the project Trois siècles de migrations francophones en Amérique du Nord, 1640-1940.

Les premiers voyages du père Maurice LeBlanc en Louisiane (Au rythme de notre monde, dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, 12 et 26 mars 2021)

Les deux parties de cette chronique ont paru dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, dans son édition du 12 mars 2021 et celle du 26 mars 2021, sous la rubrique «Au rythme de notre monde».

Première partie (chronique du 12 mars 2021)

En 1955, le bicentenaire de la Déportation a été commémoré non seulement dans les communautés acadiennes des provinces Maritimes, mais également en Louisiane. Dès le mois de janvier, des cérémonies et activités à caractère patrimonial ont été organisées à Lafayette, au cœur du pays cadien et créole. Le coup d’envoi de ces manifestations a attiré plusieurs délégations venues de l’étranger, y compris du Canada, bien sûr. Parmi leur nombre se trouvait le regretté père Maurice LeBlanc (1924-2021), dont le récent décès à l’âge vénérable de 96 ans vient d’endeuiller l’Acadie entière.

Même si je n’ai pas connu le père Maurice pendant des décennies comme beaucoup d’entre vous, lectrices et lecteur du Courrier, son départ n’a pas manqué de m’affliger. Dès mon arrivée à l’Université Sainte-Anne à l’été 2015, j’ai eu plusieurs occasions de fréquenter cet Acadien et homme d’église au cœur généreux et aux talents multiples qui, en prenant connaissance de mes recherches sur la diaspora acadienne, s’est empressé de me dire qu’il avait visité la Louisiane, mon État natal, par quatre fois. 

Son premier voyage remontait aux fêtes du bicentenaire de la Déportation en 1955 alors qu’il était professeur d’histoire de l’art au Collège du Sacré-Cœur à Bathurst (Nouveau-Brunswick). Les autres déplacements se sont effectués en 1964, en compagnie de sa mère et de l’une de ses sœurs; en 1987, pendant qu’il était président de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse; et une dernière fois à l’occasion du Congrès mondial acadien—Louisiane 1999. Autant d’occasions d’apprécier et de mieux approfondir le lien acadien.

La participation du père Maurice aux commémorations de 1955 n’a rien de surprenant. Son père, le docteur Joseph-Émile LeBlanc (1890-1957), fervent défenseur du fait francophone, avait prononcé un discours de bienvenue au Collège Sainte-Anne lorsqu’une délégation louisianaise, composée surtout de jeunes « Évangélines » recrutées par le truculent sénateur Dudley J. LeBlanc, avait visité la Nouvelle-Écosse en 1930. Le père Maurice se rappelait lui-même la seconde visite des Évangélines du sénateur LeBlanc, en 1936, quand il n’avait que 11 ans.

C’est 80 ans plus tard, en août 2016, que j’ai pris rendez-vous avec le père Maurice pour qu’il me raconte quelques-uns de ses souvenirs. Le soleil souriait sur la péninsule de Pubnico quand je suis arrivé chez lui, à quelques pas du Musée des Acadiens des Pubnicos. Tout sourire lui-même, il m’a accueilli dans la maison où son père avait exercé sa pratique et où sa mère, Jeannette d’Entremont, enseignante, avait élevé leurs cinq enfants. Après quelques minutes de conversation, nous nous sommes installés dans son salon, pièce qui servait aussi d’atelier de peinture. C’était le tout premier entretien d’un important projet de la Chaire de recherche en études acadiennes et transnationales (CRÉAcT), La diaspora acadienne au fil de nos histoires.

Celles et ceux qui ont connu le père Maurice savent qu’il aimait voyager. La semaine avant notre entretien, il revenait de Philadelphie où il avait rendu visite à sa sœur cadette, Simone. Plus jeune, en tant que membre de la Congrégation de Jésus et Marie, dite des Eudistes, il avait vécu deux ans en Europe, de 1956 à 1958. Sa passion des arts et de la culture l’a amené à découvrir les musées et salles de concert de plusieurs grandes villes, de part et d’autre de l’Atlantique. Or, notre conversation allait m’apprendre un détail digne de mention sur le bicentenaire de 1955 : « C’était vraiment un premier voyage lointain que je faisais dans ma vie », a-t-il expliqué.

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Le 13 décembre, Jour du souvenir acadien : un peu de contexte / December 13, Acadian Remembrance Day: Some Essential Background

Peeking bravely over the Gulf of Maine, Cape Saint Mary (Nova Scotia) offers one of Clare’s most majestic views, appreciated by locals and visitors alike. In the summer of 2018, the Cape Saint Mary Lighthouse Park became an important commemorative site upon the inauguration of a poignant, commanding monument in honor of fishermen and all residents from our community who have lost their lives at sea. (Click here to learn more about this project and the sculpture by artist Mark Graff, « Coming Home. ») A decision was made to underscore the link between these tragic deaths and the victims of shipwrecks during the years of the Acadian Deportation, or Grand Dérangement. This human catastrophe, both a crime and a sacrifice, is recalled each December 13th, known as the Acadian Remembrance Day. It was an honor for me to work with Édouard LeBlanc in composing the text for a panel designed by Denise Saulnier for the Municipality of Clare and the Société acadienne de Clare. Though succinct, our explanations draw from original accounts, published research, and consultation with Stephen A. White (Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson) who kindly shared his latest findings and estimations. On this Acadian Remembrance Day 2020, it seems appropriate to make this content available to any and all, near and far. Please note that the English versions follow the French.

Surplombant avec intrépidité le golfe du Maine, le cap Sainte-Marie (Nouvelle-Écosse) offre l’une des vues panoramiques les plus majestueuses de la région de Clare. Or, en été 2018, le Parc du phare au cap Sainte-Marie est devenu un important site commémoratif suite à l’inauguration d’un touchant et imposant monument en l’honneur des pêcheurs et de tous les résidents de notre communauté ayant perdu la vie en mer. (Cliquez ici pour en savoir davantage sur ce projet et sur la sculpture de l’artiste Mark Graff, «Coming Home».) La décision avait été prise de souligner le lien entre ces morts tragiques, d’une part, et le souvenir des victimes des naufrages pendant la Déportation des Acadiens ou le Grand Dérangement, d’autre part. Ce désastre humain, à la fois crime et sacrifice, est rappelé chaque 13 décembre à l’occasion du Jour du souvenir acadien. C’était un honneur pour moi de collaborer avec monsieur Édouard LeBlanc à la préparation d’un texte destiné au panneau conçu par Denise Saulnier pour le compte de la Municipalité de Clare et de la Société acadienne de Clare. Quoique succinctes, nos explications s’appuient sur des documents historiques, des travaux publiés et une consultation avec Stephen A. White (Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson) qui a eu la bonté de me faire part de ses plus récentes recherches. En ce Jour du souvenir acadien 2020, il m’a semblé juste et digne de mettre ce contenu à la disposition de tout le monde, partout au monde.

Victimes des naufrages pendant le Grand Dérangement (The English version follows below.)

Le monument aux personnes noyées de Clare incite à nous rappeler que de nombreux Acadiens et Acadiennes perdirent la vie à l’époque des Déportations par les autorités britanniques, entre 1755 et 1763. Sur une population totale de plus de 14 000, on estime environ 3 000 décès, dont un grand nombre pendant les voyages en mer.

En 1758, près de 800 déportés moururent lors de la perte de trois navires de la marine anglaise : le Violet, le Duke William et le Ruby. Ces bâtiments faisaient partie de convois chargés d’évacuer de force la population acadienne de l’Île Saint- Jean (l’Île-du-Prince-Édouard) après la chute de Louisbourg, forteresse française de l’Île Royale (le Cap-Breton), à l’été 1758. Ayant pris le large le 25 novembre, le Violet et le Duke William transportaient 583 prisonniers. À l’approche des côtes d’Angleterre, des fuites se déclarèrent dans les deux vaisseaux. Le Violet sombra le 12 décembre, à quelques encâblures du Duke William dont l’équipage et les passagers acadiens déployaient des efforts désespérés. Le lendemain, le bateau fut abandonné par ses marins, accompagnés du curé de l’île Saint-Jean, Jacques Girard. Il coula peu après; seulement quatre Acadiens purent gagner le littoral.

Ce désastre figure parmi les accidents les plus meurtriers de l’histoire de la Royal Navy. Dans une lettre écrite à Penzance (Cornouailles), le capitaine William Nichols prétendait que ses captifs s’étaient résignés à leur sort : « Ils se sont comportés avec la plus grande intrépidité et, jusqu’à leurs derniers instants, ils ont agi avec une grande force d’âme. »

Quant au Ruby, qui se dirigeait vers St-Malo (France) avec 310 Acadiennes et Acadiens à bord, celui-ci s’échoua dans les Açores le 16 décembre 1758. Un rapport signala la disparition tragique de 190 passagers.

Victims of shipwrecks during the Grand Dérangement

The Lost to the Sea monument for the Municipality of Clare invites us to remember that numerous Acadian men and women lost their lives at the time of the Deportations by British authorities, between 1755 and 1763. Out of a total population of more than 14,000, we estimate approximately 3,000 deaths, of which a great number occurred at sea.

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Photoblogue : la CRÉAcT visite l’île Georges à Halifax

Dans le havre nommé Kjipuktuk par les Mi’kmaq, à quelques jets de pierre des quais de la ville d’Halifax, se dressent les formes drumlinoïdes – c’est-à-dire, formées de collines douces – de l’île Georges. Normalement fermé au public, ce site est devenu accessible pendant plusieurs fins de semaine de l’été 2020. L’équipe de la CRÉAcT s’y est rendue.

Au milieu du 18e siècle, ce lieu a servi de prison pour détenir de nombreux Acadiennes et Acadiens pendant la Déportation, comme cela est expliqué dans la dernière chronique parue dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse : «L’île Georges, au cœur de la mémoire acadienne» (18 septembre 2020). Pour une compréhension approfondie du sujet, il est possible de lire l’étude de l’historien Ronnie-Gilles LeBlanc, «Les Acadiens à Halifax et dans l’île Georges, 1755-1764».

Nous étions quatre à entreprendre cette excursion, moi-même en compagnie de trois étudiant-e-s de l’Université Sainte-Anne. L’un de nos constats, c’est que même s’il y a des efforts pour valoriser l’expérience acadienne, celle-ci n’a pas été suffisamment expliquée par les guides. Nous avons donc choisi de présenter et de commenter des photos que nous avons prises sur place, afin de permettre aux gens de mieux imaginer cet épisode tragique. Pour agrandir une photo, il suffit de cliquer sur l’image.

Sélection d’Audrey Paquette-Verdon, coordinatrice de l’Observatoire Nord/Sud

(1) Photo de Bailey Ross – Le moment où fut prise cette photo n’aurait pas pu être plus fortuite. La capture est suffisamment proche pour voir les bâtiments de l’Île Georges, tout en démontrant la hauteur de celle-ci – ses courbes, etc. J’adore qu’on puisse voir les gens la visiter au loin, car cela démontre l’intérêt pour l’histoire et le désir d’en savoir plus.

(2) Photo d’Audrey Paquette-Verdon – Cette photo nous permet de se sentir comme «dans le temps». On dirait que nous faisons partie du décor. La focalisation permet également de se sentir d’autant plus ancrée dans l’Île. On ne dirait pas, si l’image était en noir et blanc, qu’elle venait de notre époque. Tout se passe comme si celle ou celui qui regarde la photo était omniprésent.

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VITE! VITE! ALLEZ LIRE!… Ronnie-Gilles LeBlanc, «Les Acadiens à Halifax et dans l’île Georges, 1755-1764»

Pour mieux comprendre l’Acadie et sa situation en contexte mondial, il existe beaucoup de textes qu’ il est possible de consulter gratuitement. Pendant la pandémie de COVID-19, les revues savantes et maisons d’édition font des efforts pour rendre encore plus accessibles ces ressources afin de mettre le savoir à la portée de tout le monde. Dans cet esprit-là, la CRÉAcT signalera à tous les deux vendredis un article ou un livre en études acadiennes ou bien dans un domaine connexe. Cette initiative s’intitule : Vite! vite! allez lire…

Image de la couverture : Georges Island viewed from Halifax, with McNabs Island in the background. Crédit photo : Andrew Crawford, 2010; source : WikiCommons, sous la licence CC BY-SA 3.0.

Parcs Canada vient de faire une annonce qui suscite l’enthousiasme des passionnés d’histoire acadienne. Du 8 août a 6 septembre 2020, des visites seront permises au Lieu historique national de l’Île-Georges. En temps normal, ce site est fermé au public. Située dans le havre d’Halifax, où on la voit aisément depuis le marché des fermiers du bord de mer, cette petite île renferme un passé funeste en ce qui concerne le sort des victimes du Grand Dérangement au milieu du 18e siècle. Voici l’explication qui est donnée dans le résumé de l’article que nous mettons en vedette cette semaine : «Les Acadiens à Halifax et dans l’île Georges, 1755-1764» par Ronnie-Gilles LeBlanc, paru en 2012 dans Port Acadie : revue interdisciplinaire en études acadiennes [1] :

L’île Georges, sise dans le havre d’Halifax, a servi de lieu de détention pour des centaines d’Acadiennes et d’Acadiens durant l’époque de la Déportation, de 1755 à 1762. Parmi les premiers prisonniers détenus dans l’île figurent les députés acadiens qui ont refusé de prêter un serment inconditionnel devant le conseil du gouverneur, en juillet 1755. Peu après leur départ, une cinquantaine de personnes de Mirligouèche ou Lunenburg sont déportées en Caroline du Nord à partir de l’île, en novembre 1755. Ce sera la première de deux déportations en provenance de l’île, car des familles de la région de Cap-Sable et de la rivière Saint-Jean y seront gardées prisonnières en attendant leur déplacement forcé en novembre 1759. Une autre déportation, celle de 1762, se fera à partir de la ville d’Halifax même et elle comprendra plus de 900 personnes, pour la plupart des familles qui ont échappé à la déportation et qui ont offert une farouche résistance aux troupes britanniques entre 1755 et 1760. Enfin, à compter de novembre 1764, des centaines d’Acadiennes et d’Acadiens quitteront Halifax pour une vie meilleure en Louisiane, alors que d’autres y demeureront encore quelque temps avant de s’établir un peu partout dans la région atlantique.

En plus d’un examen de l’évolution du site et des conditions de vie des familles acadiennes y ayant été emprisonnées, l’article de LeBlanc comporte également un recensement de ces dernières (p. 73-76), une ressource précieuse pour quiconque s’intéresse à des trajectoires individuelles. Je pense, par exemple, aux ancêtres de Désirée Martin (1830-1877), Louisianaise à qui j’ai consacré une étude dans l’ouvrage Paroles et regards de femmes en Acadie [2]. Alors que son autobiographique évoque une aïeule déportée en Virginie (en réalité, au Maryland), deux autres arrière-grands-parents sont passés par le centre de détention de l’île Georges. Il s’agit de Joseph Martin (1738-v. 1785), originaire de Beaubassin, et Marguerite Pitre (1740-v. 1807). Réfugiés en Acadie française où ils se sont mariés en 1760, ils ont été capturés et emmenés à Halifax, jusqu’à leur départ pour la Louisiane via Saint-Domingue.

The Town and Harbour of Halifax as it appears from George’s Island, 1759, by James Mason after Richard Short & Dominic Serres. Engraving based upon sketches by Richard Short from which Dominic Serres’ The Elder’ painted an original oil painting, which in turn was engraved by James Mason, in 1760. (Image dans le domaine public; source : commons.wikimedia.org)

Grâce au travail minutieux de Ronnie-Gilles LeBlanc, nous pouvons mieux saisir ces aspects troublants de la formation de la diaspora acadienne – et mieux écouter les échos du passé en mettant les pieds sur l’île Georges… pendant qu’il est encore temps.

RÉFÉRENCES

[1] LeBlanc, Ronnie-Gilles. « Les Acadiens à Halifax et dans l’île Georges, 1755–1764. » Port Acadie, numéro 22-23, automne 2012, printemps 2013, p. 43–76. https://doi.org/10.7202/1014976ar

[2] Bruce, Clint (2020b), « De l’acadianité en contexte louisianais : Les Veillées d’une soeur, ou le destin d’un brin de mousse (1877), autobiographie de Désirée Martin », dans Jimmy Thibeault, Michael Poplyansky, Stéphanie St-Pierre et Chantal White (dirs), Paroles et regards de femmes en Acadie, CEFAN/Presses de l’Université Laval (collection : «Culture française d’Amérique»), p. 131-160.