Les articles de La Filière Louisiane sont publiés grâce à un partenariat entre Astheure et Les Carnets Nord/Sud, blogue de la Chaire de recherche du Canada en études acadiennes et transnationales (CRÉAcT) de l’Université Sainte-Anne. Cette série vise à faire mieux connaître les enjeux culturels de la Louisiane francophone et à favoriser le dialogue entre Acadiens et Louisianais.
«Ainsi est-il doublement difficile d’écrire avec calme au sujet de cette époque, tant furent intenses les sentiments et puissantes les passions humaines qui agitèrent et aveuglèrent les hommes.»
– W. E. B. DuBois, The Souls of Black Folk (1905; ma traduction)«Quand le bateau eut doublé la pointe de terre, au-delà de laquelle on perdait de vue la côte où s’élevait jadis la belle demeure des Saint-Ybars, Nogolka dit à son ami : “Nous voici séparés du passé; le passé est un mort : qu’il dorme en paix! Il a eu ses joies et ses peines. L’avenir nous appelle; il a pour nous d’autres joies et d’autres peines; allons à lui”.»
– Alfred Mercier, L’Habitation Saint-Ybars (1881)
Le passé est lourd à porter, dit-on. Ou encore, selon la célèbre formule de Marx : «La tradition de toutes les générations mortes pèse d’un poids très lourd sur le cerveau des vivants.»
La semaine dernière, deux symboles du passé sudiste – et d’un pan douloureux de l’histoire des États-Unis – ont traîné à travers le ciel bas de la Nouvelle-Orléans leurs poids respectifs, transportés par des grues, de 12 000 à 15 000 livres et de 6 000 à 7 000 livres. Deux statues de plusieurs tonnes de bronze qui étaient au centre d’une vive controverse et d’une campagne ayant pour but de débarrasser l’espace public du bagage commémoratif légué par la Cause perdue. La Cause perdue : c’est ainsi que se nomme la vision traditionaliste, édulcorée et favorable au Sud – donc très peu sensible aux injustices de l’esclavage – de la guerre de Sécession (1861-1865).
Mardi soir, l’imposante figure équestre de Pierre Gustave Toutant Beauregard, général confédéré issu d’une famille de planteurs créoles, quittait son socle rectangulaire à l’entrée du New Orleans Museum of Art. Vendredi, c’était au tour de l’effigie de Robert E. Lee, chef des armées de la rébellion pro-esclavagiste, d’être délogée du faîte de l’immense colonne où elle fut posée en 1884. Deux autres monuments venaient de connaître le même sort : l’ignoble obélisque en hommage à la Ligue blanche, milice raciste qui s’était soulevée contre le gouvernement en 1874, puis, la statue de Jefferson Davis, l’unique président des États confédérés d’Amérique.
Quatre coups portés en faveur d’une révolution iconoclaste. Pourquoi maintenant?