C’est le 14 juillet : vive la France… et ses jumelages avec les municipalités des provinces Maritimes !

Plusieurs pourraient l’affirmer : les échanges entre la France et la collectivité acadienne et francophone de l’Atlantique semblent plus forts et plus fructueux que jamais. La visite de la délégation acadienne à Paris, au mois de novembre dernier, a bien souligné la volonté de pérenniser ce lien riche d’un très long passé, nourri par le souvenir des origines à l’époque coloniale et porteur de projets pour l’avenir. En ce 14 juillet, plusieurs célébrations ont lieu, ici même dans les provinces Maritimes, pour commémorer la fête nationale de la République française.

Bien que les travaux de la CRÉAcT s’intéressent prioritairement aux contacts avec la diaspora acadienne en Louisiane, il ne serait guère de mise de passer à côté des relations avec la France. C’est pour cette raison que l’Observatoire Nord/Sud tient à recueillir des données sur les échanges au niveau des communautés locales dans le cadre d’un projet lancé en 2017, Les villes ont une famille : enquête sur les jumelages municipaux aux provinces Maritimes. Il s’agit répertorier et d’étudier les relations entre villes-soeurs, dans l’esprit du mouvement internationaliste qui s’est implanté après la Seconde Guerre mondiale.

Cette problématique est d’autant plus pertinente que, depuis quelque temps, la Société nationale de l’Acadie, d’un côté, et le Consulat général de France dans les provinces atlantiques, en vertu de la politique française sur la coopération décentralisée, de l’autre côté, souhaitent stimuler davantage le phénomène des jumelages.

Voici donc un échantillon de nos données, recueillies auprès des municipalités elles-mêmes par les stagiaires de l’Observatoire Nord/Sud. Cette liste présente les jumelages actifs entre municipalités des provinces Maritimes (Canada) et communes françaises. À noter que deux de ces ententes viennent d’être adoptées, preuve de l’intérêt actuel pour ce type d’échange…

Nouvelle-Écosse, 4 jumelages avec autant de municipalités…

  • Municipalité d’Argyle / Belle-Île-en-Mer, Morbihan (2003)
  • Pubnico-Ouest (localité de la Municipalité d’Argyle) / Avoine, Indre-et-Loire (2006)
  • Town of Annapolis Royal / Royan, Charente-Maritime (2009)
    • Royan fut le lieu de naissance de Pierre Dugua de Mons (v.1560-1628), l’un des instigateurs de la colonisation française en Acadie. Depuis 2014, Annapolis Royal reçoit chaque été des stagiaires du Lycée des Métiers du Tourisme Cordouan, initiative qui améliore l’offre francophone à l’approche de la saison touristique tout en resserrant les liens humains entre les deux communes.
  • Cape Breton Regional Municipality / Givenchy-en-Gohelle, Pas-de-Calais (2017)

Nouveau-Brunswick, 10 jumelages avec 11 municipalités…

  • Caraquet / Marennes, Charente-Maritime (1973)
    • Parmi les plus anciens de cette région du Canada, le jumelage a été relancé en 2014, volonté qui s’est traduite par des résidences d’artistes de Marennes à Caraquet, une participation néo-brunswickoise au Forum local de la coopération francophone en 2017 et 2018, et des délégations réciproques du secteur de la pêche en 2018 et 2019.
  • Shédiac / Saint-Pierre-et-Miquelon, COM (1981)
  • Shippagan / Loudun, Vienne (1981)
  • Bathurst / Saint-Aubin-sur-Mer, Calvados (1984)
  • Bouctouche, Cocagne et Saint-Antoine / Châtellerault, Vienne (1984)
  • Saint-Quentin / Saint-Quentin, Aisne (1998)
  • Dieppe / Dieppe, Seine-Maritime (2000)
    • La municipalité néo-brunswickoise a reçu le nom de Dieppe en 1946, en l’honneur des militaires canadiens ayant pris part au raid de Dieppe pendant la Seconde Guerre mondiale. Le jumelage créé en 2000 donne lieu à des échanges soutenus dans plusieurs secteurs : arts et culture, sports et loisirs et coopération économique, sans oublier les commémorations de la guerre. Parmi ces nombreux projets, signalons le Festival international de Cerf-Volant de Dieppe, tenu en alternance dans les deux villes.
  • Saint-Louis-de-Kent / Archigny, Vienne (2010)
  • Cocagne / Duclair, Seine-Maritime (2022)
  • Miramichi / Carpiquet, Calvados (2022)

Il n’y a pas, à l’heure actuelle, de jumelages entre la France et l’Île-du-Prince-Édouard.

Pour donner une idée de l’esprit qui anime ces ententes, je mets à votre disposition le texte du Protocole d’amitié qui fut entériné en 1981 par la ville de Shippagan et la commune de Loudun, terre d’origine de quelques familles acadiennes parties de France au 17e siècle :

En l’Hôtel de Ville de Shippagan, Nouveau-Brunswick, Canada
Ce 16e jour d’août mil neuf cent 81
NOUS, Jean C. Chiasson, maire de Shippagan et René Monory, maire de Loudun
PROCLAMONS le jumelage des Villes de Shippagan et Loudun sous l’égide de la FÉDÉRATION MONDIALE DES VILLES JUMELÉES-CITÉS UNIES en vue de promouvoir des échanges d’ordre culturel, touristique, social et économique intéressant l’ensemble des citoyens.

DÉCLARONS solennellement, au nom des populations de nos villes, notre volonté de respecter les principes de la Charte des Cités Unies, afin de développer la compréhension, le respect mutuel et l’amitié entre les gens de Shippagan et Loudun ouvrant ainsi la voie à l’entente complète, sans discrimination aucune entre les cités et les peuples de toutes les nations.

En foi de quoi,
NOUS, Jean C. Chiasson, René Monory, avons apporté sur ce parchemin notre signature et le sceau de notre Ville.

[SIGNATURE – Jean C. Chiasson]
[SIGNATURE – R. Monory]
[SIGNATURE – Horace Boivin]

A signé avec nous,
le Représentant de la Fédération Mondiale des Villes Jumelées-Cités Unies.

L’équipe de l’Observatoire Nord/Sud s’efforce de garder à jour nos renseignements sur les jumelages afin de mieux servir les organismes acadiens, ou autres, et les agences gouvernementales s’intéressant à ce phénomène. Je m’attends, par exemple, à ce que la réforme imminente de la gouvernance locale au Nouveau-Brunswick ait un impact sur le statut et la gestion de plusieurs ententes. Il se peut de nouveaux jumelages soient créés. Ceux déjà en existence pourraient soit connaître un nouvel essor, soit subir une certaine négligence.

Quoi qu’il advienne, la date du 14 juillet ne manquera pas de rappeler ces échanges et leur importance pour l’Acadie contemporaine.

M. Clint Bruce

L’Acadie de la Nouvelle-Écosse devant la Francophonie internationale : l’honorable Colton LeBlanc partage sa vision

Une version abrégée de cet entretien est parue dans l’édition du vendredi 28 janvier du Courrier de la Nouvelle-Écosse, sous la rubrique «Au rythme de notre monde».

Dans quelle mesure est-ce les préoccupations de la collectivité francophone forment une priorité pour le gouvernement actuel de notre province ? Par suite de la parution de la chronique du 17 décembre dernier, au sujet de la délégation acadienne en France au mois précédent, j’ai eu la chance de m’entretenir à ce sujet avec l’honorable Colton LeBlanc (PC), député de la circonscription d’Argyle à l’Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse.

Originaire de Quinan (Par-en-Bas) et diplômé de l’Université Sainte-Anne, M. LeBlanc a été élu d’abord en 2019 puis réélu en août 2021. Avec Ronnie LeBlanc (PL-Clare) et Trevor Boudreau (PC-Richmond), il fait partie de la députation provenant des circonscriptions acadiennes rétablies. Il occupe actuellement plusieurs postes au sein du gouvernement de Tim Houston, dont ceux de ministre de la Commission du service public, ministre de Service Nouvelle-Écosse et des Services internes, et – ce qui est d’un intérêt particulier pour le lectorat du Courrier ­– ministre des Affaires acadiennes et de la Francophonie.

Le mercredi 12 janvier, M. Colton, qui a participé au voyage à Paris organisé sous l’égide de la Société nationale de l’Acadie, m’a parlé de cette expérience marquante ainsi que de quelques projets à l’horizon pour la francophonie néo-écossaise.

Tout d’abord, je tiens à vous féliciter pour votre élection ainsi que votre nomination à des postes importants au sein du cabinet. Ces marques de confiance en disent long sur l’estime dont vous jouissez aux yeux de la population et, bien entendu, auprès du premier ministre. Comment arrivez-vous à équilibrer les divers dossiers dont vous avez la responsabilité ?

En premier lieu, être député d’une circonscription acadienne est d’une grande importance pour moi. Je suis ravi d’avoir pu voir le rétablissement des circonscriptions acadiennes en Nouvelle-Écosse. Alors, mon travail comme député de jour en jour, c’est là ma grande priorité.

Certes, il y a les tâches supplémentaires en tant que ministre et, comme vous avez mentionné, j’ai la charge de quelques différents dossiers. Durant les premiers mois de notre mandat comme gouvernement, j’ai eu bien d’occasions de rencontrer les membres de mes équipes à travers mes ministères et à travers le gouvernement. Ça fait pas mal de jonglage de jour en jour et il faut donc bien planifier ma semaine. Il y a des sessions de breffage, des réunions à des temps fixes au sujet des différents dossiers et priorités. En plus, avec la technologie qui existe aujourd’hui, on peut toujours maintenir les communications avec la circonscription.

On comprend bien sûr les responsabilités qui sont sur nos épaules comme gouvernement, mais on voit aussi les possibilités pour notre province puis pour le peuple néo-écossais. On a des buts très ambitieux pour la Nouvelle-Écosse tout en fonçant sur les défis dans le système de santé, dans l’économie et sur le plan du logement, par exemple. Mais le premier ministre a été très clair qu’il veut doubler la population Néo-Écossaise d’ici 2060. Alors il faut qu’on se penche certainement sur l’immigration et je vois l’immigration francophone comme étant un élément clé et nécessaire pour faire avancer la population, y compris la population acadienne et francophone de la Nouvelle-Écosse.

Alors c’est beaucoup de jonglage, mais c’est une grande responsabilité qui me tient à cœur – surtout pour les dossiers des Affaires acadiennes et de la Francophonie. […]

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Après la délégation acadienne en France, vers un renouveau des échanges entre les municipalités?

Cette chronique est parue dans l’édition du vendredi 17 décembre 2021 du Courrier de la Nouvelle-Écosse, sous la rubrique «Au rythme de notre monde».

L’occasion a été qualifiée d’historique, et pour cause. Le 24 novembre dernier, l’écrivaine acadienne Antonine Maillet recevait l’insigne de commandeur de la Légion d’honneur, l’une des plus hautes distinctions accordées par la République française, lors d’une visite avec le président Emmanuel Macron. Connue pour le personnage de la Sagouine et lauréate du prix Goncourt de 1979 pour son roman Pélagie-la-Charrette, Maillet continue, du haut de ses 92 ans, de faire entendre la voix de l’Acadie à travers la francophonie.

Or, la symbolique de cette consécration reflète des aspirations qui dépassent, et de loin, la seule reconnaissance de notre plus grande écrivaine. La cérémonie tenue à l’Élysée aura marqué le point culminant d’une tournée d’une importante délégation acadienne en France, menée par la Société nationale de l’Acadie et composée d’une trentaine de personnes issues de divers secteurs. Ses éventuelles retombées pourraient bénéficier grandement au dynamisme de la société acadienne.

C’est ce que l’histoire nous enseigne, d’ailleurs. Les relations France-Acadie sont entrées dans l’ère moderne lorsque le président Charles de Gaulle a accueilli quatre représentants acadiens, en janvier 1968. Il en est sorti une aide financière considérable pour le journal L’Évangéline, des échanges éducatifs et, un peu plus tard, la création des Amitiés acadiennes, organisme soutenu par la Fondation de France et le ministère des Affaires étrangères. En 1999, le 8e Sommet de la Francophonie a eu lieu à Moncton, rassemblement majeur s’il en est. Depuis 2007, une entente France-Acadie, placée sous l’égide de la SNA, encadre la coopération entre l’Acadie de l’Atlantique et la République française.

Ces acquis n’échappent pas à une certaine fragilité qui caractérise notre petite société sans État. Il n’y a pas très longtemps, le consulat général de France à Moncton risquait de tomber sous la hache des compressions budgétaires. Il a été sauvé par une levée de boucliers de part et d’autre de l’Atlantique – campagne dont le fer de lance n’était nulle autre qu’Antonine Maillet.

Le nouveau président de la SNA, Martin Théberge, appelle de ses vœux un renforcement des relations avec la France et avec la francophonie internationale. Si c’était déjà une priorité sous ses prédécesseurs, notamment Françoise Reux-Enguehard (2006-2012) et Louis Imbeault (2017-2021), la récente délégation aura peut-être insufflé un nouvel élan. D’après une déclaration de M. Théberge, le président Macron aurait l’intention, si réélu l’an prochain, de se rendre au Congrès mondial acadien 2024, dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse.

L’un des domaines que la SNA souhaite privilégier, c’est l’intermunicipalité, c’est-à-dire la coopération internationale au niveau des villes et des collectivités locales. Il existe des réseaux de villes, comme l’Association internationale de maires francophones, ainsi que des échanges bilatéraux entre des « villes sœurs ». L’annonce de cette intention m’interpelle au plus haut point, car, depuis 2017, l’Observatoire Nord/Sud mène une enquête sur les jumelages de villes aux provinces Maritimes, où il existe environ plus d’une soixantaine d’ententes de ce type.

Selon les renseignements dont nous disposons, il y aurait une douzaine de jumelages actifs entre des municipalités des Maritimes et des communes en France, dont quatre avec la Nouvelle-Écosse et huit avec le Nouveau-Brunswick. À noter que c’est à peu près le même nombre qu’avec des municipalités en Louisiane, qui représente l’autre pôle dominant des villes-sœurs de nos communautés francophones. 

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