Mini-colloque étudiant (4 décembre 2025, 19h00) : « la Francophonie dans un monde mouvementé »

Ce jeudi 4 décembre à 19h00, l’Observatoire Nord/Sud de l’Université Sainte-Anne (situé au 2e étage de la Bibliothèque Louis-R.-Comeau) accueillera le mini-colloque – La Francophonie dans un monde mouvementé. L’activité sera également diffusée sur Teams : LIEN ICI.

La communauté universitaire et le public général sont invités à assister aux présentations des projets de recherche des étudiants inscrits dans le séminaire CEFR 6113 (Cultures et espaces francophones, Prof. Clint Bruce), dans le cadre de la Maîtrise ès arts en cultures et espaces francophones de l’Université Sainte-Anne.

  • Wahib Belazri, « Se distinguer sans se détacher : le jeu diplomatique du Québec au sein de la Francophonie »
  • Adil El Amouri « Algérie, grande absente de la Francophonie : approche historique, politique, identitaire et sociolinguistique »

Voir ci-dessous la description de la thématique.

La Francophonie dans un monde mouvementé – Institution intergouvernementale rassemblant plus de 90 États et gouvernements, sur tous les continents, l’Organisation internationale de la Francophonie prétend œuvrer en faveur « [d’]un monde respectueux de la diversité culturelle et linguistique, dans lequel la langue française et les valeurs universelles […] contribuent […] à la formation d’une communauté internationale solidaire » (Charte de la Francophonie, 2005). Plus qu’un dénominateur commun linguistique, la Francophonie se veut et se proclame un espace de partage et de coopération multilatérale. Cet idéal s’inspire en grande partie de l’universalisme associé à la pensée des Lumières, à l’héritage de la Révolution française et à la vision humaniste de son père fondateur Léopold Sedar Senghor. Or, les réalités de la Francophonie institutionnelle, composée d’États membres aux situations très variées, posent de grands défis à la réalisation de ces idéaux. Cela est d’autant plus vrai que les soubresauts de la politique internationale peuvent secouer l’organisme : en témoigne le retrait de trois pays du Sahel en mars 2025. L’orientation même du projet francophone demeure contestée : s’agit-il d’un levier d’affirmation linguistique ou bien d’une alliance géopolitique au sein de laquelle le français n’aurait qu’un rôle secondaire ? Ce colloque explorera ces dynamiques afin de mieux comprendre l’évolution de la Francophonie ainsi que les enjeux clés de son devenir.

Mois du patrimoine africain : Dominique Gaspard, un Créole louisianais devenu médecin au Québec et pilier de la communauté noire (Au rythme de notre monde dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, 9 et 23 février 2024)

À noter que cette chronique a également paru, en deux parties, dans les éditions du 9 et du 23 février du Courrier de la Nouvelle-Écosse, sous la rubrique « Au rythme de notre monde ».

1ÈRE PARTIE – Quelle destinée singulière et digne d’intérêt que celle de Dominique Gaspard ! Né en 1884, ce Créole issu du milieu des gens de couleur de La Nouvelle-Orléans allait quitter sa Louisiane natale, vers l’âge de 20 ans, pour fuir l’oppression raciale et pour étudier au Québec.

Formé en médecine, il prend part à la Grande Guerre. Catholique et francophone, il devient l’un des piliers de la communauté noire de Montréal, pourtant à dominante anglophone et protestante. Jouissant de la haute estime de ses concitoyens blancs, il ne cessera d’agir en faveur de l’équité raciale jusqu’à sa mort en 1938.

Dominique Gaspard vers 1911, après son déménagement au Québec. (PHOTO : CENTRE D’HISTOIRE DE SAINT-HYACINTHE)

La présente chronique ainsi que la prochaine serviront à mettre en relief ce parcours fascinant, qui relie deux aires de l’Amérique francophone.

Le choix de ce sujet s’inscrit, bien entendu, dans le Mois de l’histoire des Noirs – ou Mois du patrimoine africain ici en Nouvelle-Écosse. Initialement proposé par l’historien afro-américain Carter G. Woodson (1875-1950) et célébré en février, c’est l’occasion de mieux apprécier l’histoire afro-canadienne dans toute sa richesse et dans toute sa complexité, tout en explorant les contributions des figures marquantes de cette population ainsi que ses aspects encore méconnus. 

Du coup, il s’agira de rendre hommage aux travaux de Dorothy W. Williams, grande spécialiste de l’histoire noire au Canada. Plus que nul autre, c’est elle qui aura aidé à faire redécouvrir la vie du docteur Dominique Gaspard. 

Auteure de deux livres sur la communauté afro-montréalaise, Williams a également signé une esquisse biographique de Gaspard dont l’essentiel est condensé dans un article de l’Encyclopédie canadienne. Mes chroniques s’appuient sur ses recherches tout en s’enrichissant d’autres documents, d’une part, et de mes connaissances sur la Louisiane francophone, d’autre part.

Dominique Francis Gaspard voit le jour le 22 janvier 1884. Il ne vient pas au monde tout seul, d’ailleurs, car ses parents, Esther et John (ou Jean ?) ont le bonheur d’accueillir des fils jumeaux. Si peu de recherches ont été menées sur l’enfance du futur émigrant, nous savons que la famille Gaspard fait partie de la communauté créole formée par les gens de couleur francophones de Louisiane. 

Beaucoup d’entre elles et eux étaient déjà libres du temps de l’esclavage et, malgré les discriminations raciales à leur égard, faisaient preuve d’un grand dynamisme dans plusieurs domaines comme l’éducation, les métiers, les œuvres de bienfaisance, les arts et la culture. Les Gaspard vont fréquenter l’Église Saint-Joseph, l’une des paroisses desservant les Noirs francophones.

Le contexte politique de l’époque revêt une importance fondamentale pour comprendre la trajectoire de Dominique Gaspard. La fin de la Guerre civile américaine, qui avait amené l’abolition définitive de l’esclavage en 1865, avait également inauguré un programme de réformes en profondeur dans le but d’éradiquer les injustices liées au racisme. Il s’agit de la « Reconstruction » du Sud dont les promesses et les progrès finissent par succomber, vers le milieu des années 1870, à la réaction raciste. 

Le sociologue et militant afro-américain W. E. B. Du Bois en dressera ce bilan lapidaire : « L’esclave a obtenu sa liberté, s’est tenu un bref moment au soleil, puis s’est avancé de nouveau vers l’esclavage ». Ce nouvel esclavage, c’est le régime de la ségrégation raciale, fondé sur l’oppression et, bien trop souvent, la violence.

Les années de jeunesse de Dominique Gaspard sont donc marquées par le recul des droits civiques et de l’égalité sociale des Noirs américains. En Louisiane, cependant, les Créoles francophones mènent la lutte contre cette tendance néfaste. Il y a eu notamment le Comité des citoyens qui a entrepris une campagne pour combattre les lois racistes – efforts héroïques qui allaient se solder en 1896 par un échec devant la Cour suprême des États-Unis. 

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Mercredi 11 octobre 2023 : Lancement du livre La dimension oubliée des années 1968 – Mobilisations de minorités nationales au Canada et aux États-Unis

À vos agendas ! Tout le monde est invité à assister au lancement de l’ouvrage collectif La dimension oubliée des années 1968 – Mobilisations de minorités nationales au Canada et aux États-Unis, le mercredi 11 octobre 2023, à 17h00 (Atlantique). Cette activité aura lieu à l’Observatoire Nord/Sud de l’Université Sainte-Anne, au 2e étage de la Bibliothèque Louis-R.-Comeau, ainsi que sur Zoom : LIEN ICI.

Paru aux Presses de l’Université Laval dans le cadre de sa collection «Culture française d’Amérique», parainée par la CEFAN, ce recueil d’études est dirigé par les chercheur-e-s Michael Poplyansky (Cité universitaire francophone de l’Université de Regina), Clint Bruce (Université Sainte-Anne), Joel Belliveau (Centre de recherche sur les francophonies canadiennes, Université d’Ottawa), Anne-André Denault (CEGEP de Trois-Rivières) et Stéphanie St-Pierre (Université Sainte-Anne). De quoi s’agit-il dans ce livre ?

En voici un aperçu : De la fin des années 1960 au début des années 1980, les «années 68» sont marquées par le militantisme intense et le changement culturel rapide. Un aspect demeure mal compris : les revendications collectives des minorités nationales. Pour celles-ci, on observe la naissance de mouvements politiques qui luttent pour l’épanouissement de leurs communautés.

Ce recueil se concentre sur les répercussions des «années 68» sur les peuples francophones du Canada et des Etats-Unis. Il s’intéresse aussi aux minorités nationales évoquées plus rarement par la littérature scientifique francophone, notamment les Chicanos du sud-ouest des Etats-Unis et les peuples autochtones de la Colombie-Britannique. Ainsi, en proposant des regards croisés sur différents mouvements nationalitaires, ce recueil offre une perspective originale sur une période marquante de l’histoire du monde contemporain.

Voir ci-dessous la table des matières.

La présentation de ce livre marquant sera enrichie d’un témoignage local de l’époque de la part de Glenda Doucet-Boudreau. Originaire de la Baie Sainte-Marie, Glenda Doucet-Boudreau est une Acadienne remarquable qui a consacré sa vie au développement et au bien-être des communautés acadiennes et francophones. Infirmière de formation, elle consacre une grande partie de son temps libre à soutenir des initiatives contribuant à la vitalité des communautés acadiennes, notamment dans les secteurs de l’éducation, des droits des femmes et de la promotion du patrimoine acadien.

Glenda a joué un rôle majeur dans le secteur de l’éducation en s’impliquant dans des procédures judiciaires pour faire respecter l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. En 2003, l’arrêt Doucet-Boudreau de la Cour suprême du Canada a réaffirmé la responsabilité des provinces et des territoires de respecter leurs obligations en matière d’enseignement dans la langue de la minorité. Enfin, Glenda travaille à la promotion du patrimoine acadien et de la condition féminine. Elle est membre fondatrice de l’Association Madeleine-LeBlanc à Clare en 1975, et de la Fédération des femmes acadiennes de la Nouvelle-Écosse en 1983. Elle a siégé pendant de nombreuses années aux conseils d’administration de ces deux organismes et a représenté la Nouvelle-Écosse au conseil d’administration de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne, au niveau national, pendant cinq ans.

TABLES DES MATIÈRES :
La dimension oubliée des années 1968 – Mobilisations de minorités nationales au Canada et aux États-Unis

Introduction – Michael Poplyansky, Clint Bruce, Joel Belliveau, Anne-Andrée Denault et Stéphanie St-Pierre

LES MINORITÉS NATIONALES NORD-AMÉRICAINES : ANGLE MORT DES ANNÉES 1968 ?

Une cécité peut en cacher une autre : le Canada francophone et « Mai 68 » dans la mémoire européenne – Ingo Kolboom

Octavio Romano et la critique chicano de l’Amérique – Ignacio M. García

La jeunesse fransaskoise dans les années 1968 : un portrait exploratoire – Michael Poplyansky

LE DÉPASSEMENT DES FRONTIÈRES ÉTATIQUES

L’éloignement et le rapprochement des Canadiens français : une réponse de Gabrielle Roy au nationalisme des années 1960 – Jérôme Melançon

Redéfinir le territoire historique en milieu minoritaire : étude de cas de la fondation de l’Institut franco-ontarien et du Centre d’études franco-canadiennes de l’Ouest – Stéphanie St-Pierre

De la survivance à l’affirmation culturelle : l’alliance entre le Québec et les collectivités francophones des États-Unis, le cas des Franco-Américains – Anne-Andrée Denault

Le maire Jones, Acadien honoraire ? ! ? : répercussions politiques du projet de jumelage municipal entre Moncton (N.-B.) et Lafayette (Louisiane) – Clint Bruce

À LA RENCONTRE DE L’AUTRE

Aujourd’hui, j’suis réveillée pis j’reprends le temps perdu : l’expérience de l’histoire dans Québécoises deboutte ! (1971-1974) – Daniel Poitras

Nos luttes communes : droits de femmes autochtones et édification de
coalitions transraciales pendant l’Année internationale de la femme (1975) – Sarah Nickel

Au carrefour des nations : la Commission royale d’enquête sur
le bilinguisme et le biculturalisme à l’écoute des Autochtones. . 245
Lucie Terreaux

TÉMOIGNAGES D’ACTEURS DE L’ÉPOQUE

Nicole Boudreau, ancienne présidente de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal

Laurier Gareau, dramaturge et historien fransaskois

Jean-Marie Nadeau, ancien président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick

David Cheramie, Ph. D., ancien directeur du Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL)

Notices biographiques

L’immigration au Québec et « le sort de la Louisiane » : jusqu’où pousser la comparaison?

Il y a toutes sortes de façons de mettre les pieds dans le plat. Il y a quelques jours, le premier ministre du Québec, François Legault, revendiquait pour sa province une plus grande autonomie en matière d’immigration, et ce, dans le but de mieux déterminer le profil linguistique des nouvelles arrivantes et nouveaux arrivants. Cette revendication suit de près l’adoption de deux lois destinées à renforcer l’autonomie et le caractère distinct de la nation québécoise, soit la Loi sur la laïcité de l’État (ou Loi 21), en vigueur depuis juin 2019, et la toute récente Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (projet de loi n° 96), qui vient moderniser la Charte de la langue française (ou Loi 101) de 1977.

Dans une allocution prononcée à l’occasion d’un congrès de la Coalition avenir Québec, à Drummondville, il affirmait : «Il est important que les Québécois comprennent bien l’urgence de rapatrier les pouvoirs d’immigration.» Il s’agirait, selon lui, d’une question de mort ou de vie pour la langue française et, sans ces moyens, « cela pourrait devenir une question de temps avant que nous devenions une Louisiane ».

En évoquant cet État américain dans ces termes, monsieur Legault faisait allusion au déclin de la langue française depuis l’époque coloniale et à la perte d’influence de la population francophone, jusqu’à la disparition plus ou moins totale de cette dernière (d’après la perception de Legault) au tournant du siècle présent. La perspective d’une éventuelle «louisianisation» servirait donc d’avertissement et de repoussoir vis-à-vis des aspirations du Québec.

Cette comparaison, forcément péjorative, n’a pas tardé à susciter un petit tollé. Plusieurs membres des autres partis ont fait entendre leurs réactions, de même que quelques chercheurs universitaires, dont votre humble serviteur dans un reportage de Radio-Canada. A également été sollicité le point de vue d’un autre Louisianais, l’entrepreneur en tourisme Joseph Dunn, ancien directeur du Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL), qui déplore l’instrumentalisation politique d’«une image de la Louisiane qui est fausse».

N’est-ce pas un exercice légitime, pourtant, que d’étudier d’autres sociétés et d’en tirer des leçons? Et a fortiori à l’échelle de la francophonie nord-américaine? Voici trois éléments contextuels à considérer…

1) Les propos de François Legault s’inscrivent dans une longue tradition discursive au Québec. Brandir le contre-exemple de la Louisiane n’a absolument rien d’original; c’est même une vieille rengaine. Au début des années 1830, soit une vingtaine d’années après l’entrée officielle de la Louisiane dans le giron des États-Unis, le journaliste et politicien Étienne Parent (1802-1874) lâchait une phrase choc, devenue célèbre : «Le sort de la Louisiane nous fait trembler.» Pris tout seul, cet énoncé donne l’impression de conforter le souverainisme québécois moderne. Toutefois, l’argument de Parent n’allait pas du tout dans ce sens-là, car il plaidait en fait pour le maintien du Canada français au sein de l’Empire britannique plutôt que de s’en séparer ou d’être annexé par les États-Unis. Dans une certaine optique nationaliste, la mobilisation du trope de la «louisianisation» fait partie d’un répertoire de comparaisons devenues récurrentes avec d’autres groupes francophones minoritaires, dont l’Acadie des Maritimes – pour signaler le danger de «l’acadianisation», dans ce cas-là. Mes collègues Laurence Arrighi (U. de Moncton) et Émilie Urbain (Carleton U.) ont analysé l’obsession québécoise des «mauvais exemples» de la francophonie nord-américaine dans une série de travaux on ne peut plus éclairants, dont un exemple est cité en note de fin[1]. Chez François Legault, ce thème épouse le rejet populiste de la différence et de l’Autre.

2) Le recours à un tel raccourci revient à nier la richesse de l’expérience franco-louisianaise. La Louisiane d’héritage francophone est une société complexe dont l’évolution ne se prête guère à une simplification lapidaire. Multiraciale et multilingue (en tenant compte du créole louisianais, de l’espagnol et de l’anglais, bien sûr, sans oublier les langues autochtones), la réalité franco-louisianaise s’est construite au départ en fonction de l’esclavagisme, qui formait autrefois la base de l’économie et de la structure sociale, tandis que le destin de la langue française a été conditionné par la hiérarchie raciale, d’une part, et par l’idéologie monolinguiste qui prévaut aux États-Unis, d’autre part. Fait important, le français en Louisiane n’est pas la propriété d’un seul groupe ethnique, étant historiquement pratiqué par les Créoles de diverses origines, par plusieurs peuples autochtones qui l’ont adopté à partir du 18e siècle – et chez qui il demeure vivace de nos jours – et bien sûr par les Cadiens, c’est-à-dire la population blanche s’identifiant à la diaspora acadienne. S’il est vrai que le nombre de locuteurs accuse une chute libre depuis plusieurs décennies, il n’en est pas moins vrai que les efforts de revitalisation linguistique ont donné lieu à tout un réseau francophone et francophile qui assure une variété d’initiatives dans divers secteurs : éducation, médias, tourisme patrimonial, arts et culture et j’en passe. Ce n’est pas pour rien que la Louisiane a intégré l’Organisation internationale de la Francophonie en 2018 et que la secrétaire générale Louise Mushikiwabo vient d’y faire une tournée.

3) La rhétorique du repoussoir vient miner les efforts louables du Québec en matière de francophonie nord-américaine. Le gouvernement du Québec a pris des engagements sérieux vis-à-vis des autres communautés francophones d’Amérique du Nord et investit des ressources non négligeables. Par rapport aux collectivités francophones et acadienne du Canada, son approche est exposée dans la nouvelle Politique du Québec en matière de francophonie canadienne (mars 2022), qui exprime une vision solidaire et collaborative. Pour ce qui est des autres régions, le Centre de la Francophonie des Amériques, fondé en 2008, multiplie les initiatives pour stimuler les échanges et pour réaliser les potentialités continentales et hémisphériques des milieux francophones. La Louisiane n’est guère oubliée : avant la pandémie, la sixième édition de l’Université d’été du CFA devait justement se tenir en Louisiane, sur le campus de l’Université de Louisiane à Lafayette. Pourquoi faire si cette région-là n’a plus rien à offrir?

Boiteuses du point de vue historique, les remarques de François Legault ne font rien pour encourager une meilleure compréhension des réalités et contextes divers qui forment l’ensemble de la francophonie nord-américaine. Les politiques d’immigration constituent un dossier d’une grande importance qui mérite bien plus de réflexion que n’en véhiculent des raccourcis douteux de cet acabit. Espérons qu’il fera mieux à l’avenir… et faisons mieux, nous aussi.

M. Clint Bruce

[1] ARRIGHI, Laurence et URBAIN, Émilie, « Les “mauvais exemples” de la francophonie nord-américaine: intérêt des acteurs, construction des images, instrumentalisation des groupes », Les français d’ici: des discours et des usages, Québec, Presses de l’Université Laval, 2019, p. 11-32.

VITE! VITE! ALLEZ LIRE!… Laurence Arrighi et Émilie Urbain, «’Wake up Québec’ : du recours aux communautés francophones minoritaires dans le discours visant l’émancipation nationale du Québec»

Pour mieux comprendre l’Acadie et sa situation en contexte mondial, il existe beaucoup de textes qu’ il est possible de consulter gratuitement. Pendant la pandémie de COVID-19, les revues savantes et maisons d’édition font des efforts pour rendre encore plus accessibles ces ressources afin de mettre le savoir à la portée de tout le monde. Dans cet esprit-là, la CRÉAcT signalera chaque vendredi un article ou un livre en études acadiennes ou bien dans un domaine connexe. Cette initiative s’intitule : Vite! vite! allez lire…

Arrighi, Laurence et Émilie Urbain. « « Wake up Québec » : du recours aux communautés francophones minoritaires dans le discours visant l’émancipation nationale du Québec. » Francophonies d’Amérique 42-43 (automne 2016, printemps 2017), p. 105–124.

Il existe au Québec, foyer de l’Amérique francophone, une réelle volonté de tisser et de renforcer des liens avec d’autres communautés francophones et francophiles ailleurs au Canada et même aux États-Unis. En fait foi l’existence du Centre de la francophonie des Amériques, créé en 2008, qui multiplie les initiatives en ce sens. Cependant, une autre orientation se manifeste très souvent dans le discours public au Québec : la tendance à citer ces milieux minoritaires «hors Québec» en contre-exemples, en véritables présages de la menace qui pèse sur l’avenir de la société québécoise. Depuis quelques années, les termes acadianisation et louisianisation en sont venus à exprimer cette perception dépréciative, parfois jusqu’au dénigrement. L’Acadie et la Louisiane deviennent ainsi des repoussoirs, sans considération pour leurs réalités propres.

C’est ce phénomène, tel qu’il se déploie dans les médias, qu’explorent les sociolinguistiques Laurence Arrighi, professeure à l’Université de Moncton, campus de Moncton, et Émilie Urbain, qui enseigne à Carleton University en Ontario. Elles écrivent : 

« Wake up Québec » (Haché, 2014) est le leitmotiv des chroniqueurs.
D’un texte et d’un auteur à l’autre, l’argument est semblable, tout
comme la construction rhétorique du propos, ou encore les champs
lexicaux employés. Vocabulaires empruntés au risque, à la menace, à la
maladie sont ainsi mis à contribution pour rappeler que l’anglicisation se
répandrait au Québec, tout comme elle aurait déjà submergé les autres
communautés francophones du continent. Ce sont alors les pratiques
linguistiques mixtes prêtées aux locuteurs de ces communautés qui sont
surtout mentionnées pour appuyer le propos. (p. 106)

La lecture de cet article aussi éclairant que passionnant fait lumière sur certains obstacles à l’intensification de la solidarité francophone à l’échelle du continent.

Bonne lecture et bonne réflexion !

M. Clint Bruce