L’Acadie au rendez-vous du Sommet de la Francophonie («Au rythme de notre monde» dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, 16 décembre 2022)

Note : Cette chronique a été publiée simultanément dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, édition du 16 décembre 2022, sous la rubrique «Au rythme de notre monde».

Tout le monde le sait, tout le monde le répète : l’Acadie n’existe pas sur les cartes géopolitiques. Le peuple acadien est une petite nation sans État, en situation de diaspora, par-dessus le marché. Toujours est-il que, malgré ces conditions, l’Acadie n’est guère en reste auprès des institutions de la Francophonie internationale. Voilà un fait étonnant qui s’est manifesté pleinement lors du récent Sommet de la Francophonie à Djerba, en Tunisie.

Les Sommets de la Francophonie ont normalement lieu tous les deux ans depuis sa première inauguration en 1986, à Paris. Ils rassemblent les chefs d’État et de gouvernement des pays membres afin de « définir les orientations de la Francophonie […] de manière à assurer son rayonnement dans le monde. » 

Il s’agit de l’instance suprême de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). En raison de la pandémie, sa précédente et 17e édition remontait à 2018, en Arménie, où l’adhésion de quatre nouveaux membres a porté à 88 le nombre de gouvernements dans le giron de la Francophonie institutionnelle.

La Louisiane en faisait partie, en tant que membre observateur. Au Sommet de Djerba, mon État natal était notamment représenté par le Conseil du développement du français en Louisiane (CODOFIL), agence d’affaires francophones et interlocuteur privilégié dans la sphère internationale.

Le 18e Sommet de la Francophonie s’est donc déroulé les 19 et 20 novembre dernier, dans la terre d’origine de l’un des quatre fondateurs de la Francophonie internationale, à savoir Habib Bourguiba (1903-2000), premier chef d’État de la Tunisie postcoloniale. L’événement avait pour thème : « Connectivité dans la diversité : le numérique, vecteur de développement et de solidarité dans l’espace francophone ». 

En dépit des tensions liées aux problèmes politiques en Tunisie et dans plusieurs autres pays d’Afrique, il s’agissait d’un tournant pour la Francophonie institutionnelle, appelée à se recentrer sur sa mission fondamentale. 

Soulignons au passage que le Canada totalise quatre gouvernements membres de l’OIF, partant quatre délégations au Sommet : le Canada lui-même, le Québec, le Nouveau-Brunswick, qui y siège depuis 1977, et, depuis 2016, l’Ontario à titre d’observateur. On peut donc relever que l’Acadie jouit d’une représentation grâce à l’adhésion de notre province voisine.

On se rappellera d’ailleurs que la région de Moncton avait accueilli le Sommet de 1999, un jalon marquant et majeur de l’Acadie contemporaine, et aussi, sous un jour moins glorieux, que le gouvernement de Blaine Higgs avait annulé la tenue des Jeux de la Francophonie dès son arrivée au pouvoir, fin 2018.

Mais notre voix auprès de l’OIF se limite-t-elle au truchement néo-brunswickois ? Pas vraiment, même si le Nouveau-Brunswick joue un rôle indispensable. 

Cette situation a été étudiée par Christophe Traisnel, Éric Mathieu Doucet et André Magord, dans un article paru en 2020 dans la revue Francophonies d’Amérique. Ces trois chercheurs font état d’une dynamique tout à fait particulière :

« D’une certaine manière, la présence acadienne au Nouveau-Brunswick a permis de justifier, par un concours de volontés politiques singulier, la construction d’une forme de représentation déléguée de l’Acadie sur la scène internationale qui constitue en somme la raison principale d’une reconnaissance politique atypique dont jouit, sur la scène internationale francophone, le Nouveau-Brunswick. » 

Autrement dit, l’intérêt pour l’Acadie ouvre au Nouveau-Brunswick les portes de la reconnaissance internationale, tandis que, à tour de rôle, les structures étatiques de la province encadrent la présence acadienne et francophone.

Pour mieux cerner cette réalité, j’ai pris rendez-vous avec Véronique Mallet, directrice générale de la Société nationale de l’Acadie. Organisme porte-parole du peuple acadien, la SNA jouit du statut consultatif auprès de l’OIF. Lors de notre conversation, Mme Mallet rentrait tout juste de Tunisie, où trois membres de la SNA avaient participé au Sommet, c’est-à-dire, en plus d’elle-même, le président de l’organisme, Martin Théberge, ainsi que Yannick Mainville, responsable de la Société de promotion des artistes acadiens sur la scène internationale (SPAASI).

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Du côté de l’Observatoire Nord/Sud : notre équipe est à l’œuvre ! («Au rythme de notre monde» dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, 1er juillet 2022)

Note : Cette chronique a été publiée simultanément dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, édition du 1er juillet 2022, sous la rubrique «Au rythme de notre monde».

Malgré une perception très répandue, le début de l’été ne signifie pas le début des vacances pour les universitaires. Celles-ci viendront plus tard… et seront très appréciées, assurément ! À l’heure actuelle, ce sont plutôt nos projets et partenariats de recherche qui ont la priorité à l’Observatoire Nord/Sud.

À titre de rappel pour le lectorat du Courrier, les initiatives de l’Observatoire Nord/Sud, centre qui se situe dans l’édifice de la Bibliothèque Louis-R.-Comeau de l’Université Sainte-Anne, à Pointe-de-l’Église, visent à jeter des éclairages nouveaux sur l’évolution de la diaspora acadienne et sur l’Acadie dans sa dimension internationale. Nos projets s’inscrivent dans les travaux de la Chaire de recherche du Canada en études acadiennes et transnationales (CRÉAcT), établie en novembre 2015.

L’implication de nos étudiantes et étudiants étant l’un des moteurs de nos travaux, nous disposons en ce moment d’une équipe composée de trois jeunes personnes, et ce, grâce à une subvention d’Emplois d’été Canada. En plus de Karmen d’Entremont, étudiant à la maîtrise en Cultures et espaces francophones à Sainte-Anne et coordinateur de l’Observatoire Nord/Sud, et de Ramona Blinn, qui vient de décrocher son baccalauréat et qui s’apprête à intégrer le même programme de maîtrise, nous avons la chance de travailler avec Réanne Cooper, ancienne assistante de recherche de 2016 à 2019. Très impliquée dans la vie de notre institution, notamment en tant que présidente de l’Association des alumni de l’Université Sainte-Anne (AAUSA), et dans le milieu communautaire, Réanne est sur le point de terminer une maîtrise en administration à l’Université de Moncton. Sa présence constitue un atout.

Je profite de l’occasion pour saluer les contributions précieuses au cours des deux dernières années d’Audrey Paquette-Verdon, dont le stage s’est achevé à la fin avril. D’ici l’automne, ses efforts seront surtout consacrés à la rédaction de son mémoire en Cultures et espaces francophones. Bravo et bonne continuation, Audrey !

Même si la pandémie de COVID-19 demeure une réalité, le relâchement des restrictions sanitaires nous permet déjà de mieux renouer avec nos partenaires de l’extérieur. Il est plus que temps ! 

Le mois dernier, je me suis rendu au Nouveau-Brunswick pour une réunion avec la direction du Musée acadien de l’Université de Moncton, à laquelle participaient également Murielle Comeau-Péloquin, de la Société historique acadienne de la Baie Sainte-Marie, et Glenda Doucet-Boudreau, présidente de l’Association Madeleine-LeBlanc. Il s’agissait d’une séance de planification en vue d’une exposition pour mettre en valeur le vécu d’Acadiennes ayant émigré aux États-Unis au début du 20e siècle – histoire fascinante s’il en est. Prévue pour le Congrès mondial acadien 2024, cette initiative s’inscrit dans un projet plus vaste : Trois siècles de migrations francophones en Amérique du Nord, 1640-1940.

Plusieurs étudiants mettent la main à la roue pour faire avancer notre recherche. Pour Karmen d’Entremont, c’est à travers ce projet qu’il s’est initié aux travaux de la CRÉAcT. « C’était un très bon point de départ, explique-t-il, car je peux maintenant étudier le phénomène de l’émigration vers la Nouvelle-Angleterre, quelque chose qui touche fortement ma famille. » Originaire de Par-en-Bas, Karmen est en train de numériser des photos prêtées par des membres de la communauté et par le Musée des Acadiens des Pubnicos et Centre de recherche.

Tout récemment, notre équipe est retournée à Moncton pour assister à un colloque sur le thème de « l’Acadie et les guerres mondiales (1914-18, 1939-45) », organisé par l’Institut d’études acadiennes de l’Université de Moncton, l’un de nos partenaires, en collaboration avec le Musée acadien et le Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson. En suivant l’approche d’une « université populaire » aux activités variées, cet événement aura offert une formation précieuse sur les sources documentaires et les méthodes d’enquête pour mieux saisir l’expérience d’Acadiens et d’Acadiennes en temps de guerre.

Nos stagiaires explorent les expositions qui ont été préparées à l’occasion de l’université populaire sur « l’Acadie et les guerres mondiales », à l’Université de Moncton. (PHOTO – CLINT BRUCE)

Plusieurs de nos projets en cours s’appuient justement sur des corpus documentaires que les membres de l’équipe sont en train de dépouiller et d’organiser. Ramona Blinn apprécie tout particulièrement « la transcription d’entretiens oraux et de documents d’archives en écriture cursive », ce qui lui fait découvrir leurs contextes respectifs. « J’aime observer et partager les vécus divers puis les manières de s’exprimer à différentes époques », affirme-t-il.

Avec Réanne Cooper, Ramona s’occupe également de mettre à jour nos données sur les jumelages de ville aux provinces maritimes, ce qui n’est pas une mince affaire : ces deux stagiaires sont en train de contacter toutes les municipalités des trois provinces maritimes, par courriel ou par téléphone, afin de déterminer s’il y a de nouveaux jumelages et, dans le cas de ceux déjà répertoriés, de demander quels échanges ont été menés dans la dernière année.

Réanne m’explique que, parmi les divers dossiers auxquels elle contribue, notre balado Acadiversité lui tient à cœur tout spécialement. En ce moment, elle collabore avec Karmen pour réaliser un épisode qui explorera l’expérience des prêtres venus d’Afrique pour exercer leur ministère en Acadie.

« En participant à ce projet, souligne Réanne, j’ai la chance de discuter avec des gens de la communauté de Clare, y compris les curés comme le père Hospice [Jurice Akoffodji], et du milieu universitaire tout en bonifiant mes compétences à mener des entretiens. »

En plus de nos projets de recherche, nous espérons relancer bientôt notre programmation pour accueillir plus d’activités et de réunions dans les locaux de l’Observatoire Nord. Nous avons reçu, il y a quelques jours, une délégation de la Société nationale de l’Acadie (SNA) qui, au cours de sa récente tournée de la Nouvelle-Écosse, est venue discuter avec des profs et étudiants de notre université.

Par ailleurs, à la veille de l’arrivée de ce groupe à la Baie Sainte-Marie, nos trois stagiaires avaient aidé au nettoyage de la Vieille Maison à Meteghan, cet ancien musée patrimonial qui fait actuellement l’objet d’une campagne en vue de sa réhabilitation.

Le lien avec la mission de l’Observatoire Nord/Sud ? Le fondateur de la Vieille Maison, c’est-à-dire le chorégraphe et instructeur de danse Adolphe Robicheau (1906-78), avait émigré à Boston dans sa jeunesse. En même temps qu’il développait sa carrière aux États-Unis, monsieur Robicheau tenait à contribuer au rayonnement de l’Acadie de la Nouvelle-Écosse. Il y a là un fascinant parcours que l’intrépide Daniel Robichaud, l’un de nos partenaires communautaires, est en train de mettre au jour.

Et tout cela n’est que le début !

Du côté de l’Observatoire Nord/Sud (dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, 14 janvier 2022)

Cette chronique est parue dans l’édition du vendredi 17 septembre du Courrier de la Nouvelle-Écosse, sous la rubrique «Au rythme de notre monde».

Je vous adresse cette chronique depuis l’État du Maryland, l’une des étapes d’un voyage que j’entreprends actuellement à destination de la Louisiane. Le but : poursuivre mes recherches sur la diaspora acadienne. Pourquoi le Maryland, et plus précisément sa rive orientale formant la plus grande partie de la péninsule de Delmarva (Delaware-Maryland-Virginie), entre l’Atlantique et la baie de Chesapeake ?

Cette région pittoresque est intimement liée à l’histoire de la Déportation, ce que j’expliquerai plus loin.

Mais tout d’abord, quelques nouvelles à propos des activités de l’Observatoire Nord/Sud.

L’une des missions de l’Observatoire Nord/Sud consiste à accroître la visibilité des projets et initiatives de la Chaire de recherche du Canada en études acadiennes et transnationales (CRÉAcT) – et, du coup, de la recherche ici à l’Université Sainte-Anne. Avez-vous Instagram ? Si oui, abonnez-vous à notre compte, lancé l’automne dernier : @observatoire_nord.sud. Nous publions régulièrement des images de nos activités ainsi que des documents liés à nos travaux de recherche sur la diaspora acadienne.

Depuis l’été dernier, nous avons également lancé une initiative majeure pour faire connaître nos thématiques de recherche : le balado Acadiversité, réalisé sous l’étiquette du Studio N/S, notre unité audiovisuelle. Il s’agit d’une série de documentaires sonores mettant en lumière diverses questions liées aux transformations de la société acadienne, historiquement et actuellement. Le format d’Acadiversité se veut dynamique et agréable à écouter. Le balado est disponible sur le site de la CRÉAcT ainsi que sur Spotify, Apple Podcasts, iHeartRadio et plusieurs autres plateformes.

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Du côté de l’Observatoire Nord/Sud (dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, 17 septembre 2021)

Cette chronique est parue dans l’édition du vendredi 17 septembre du Courrier de la Nouvelle-Écosse, sous la rubrique «Au rythme de notre monde».

Ici à l’Université Sainte-Anne, la rentrée du trimestre d’automne s’annonce sous le signe de l’optimisme prudent. Certes, la pandémie n’est pas finie. Dans beaucoup d’endroits, et notamment dans ma Louisiane natale, le virus continue de faire des ravages alors que l’ouragan Ida vient de dévaster les paroisses au sud-ouest de La Nouvelle-Orléans – région où plusieurs membres de la communauté acadienne d’ici ont tissé des liens d’amitiés au fil des ans.

Toujours est-il un vent d’espoir souffle sur la Nouvelle-Écosse, où le passage à la Phase 5 de la réouverture était prévue pour cette semaine. À l’Observatoire Nord/Sud, nos projets se sont poursuivis au cours de l’été, malgré les soubresauts des conditions parfois imprévisibles. Cette chronique de la rentrée fait le point sur quelques-unes de nos initiatives.

Voici une nouvelle en primeur : nous sommes en train de lancer le balado « Acadiversité », une série de documentaires sonores qui exploreront divers aspects de l’expérience acadienne, tant historique qu’actuelle. Les deux premiers épisodes, qui s’intitulent : « Cap-Pelé et Broussard, deux villes-sœurs au cœur de l’Acadie », retracent la naissance du jumelage entre ces deux municipalités, l’une au Nouveau-Brunswick, l’autre en Louisiane, dans les années 1980 et, après une longue période d’oubli, son renouveau à l’approche du Congrès mondial acadien 2019. C’est une histoire passionnante d’une facette de la diaspora acadienne, que nous racontons à l’aide d’entretiens et d’enregistrements de terrain. 

À l’avance d’une annonce officielle au mois d’octobre, ces deux épisodes peuvent être consultés et téléchargés sur la page web d’« Acadiversité ». Il est également possible de s’abonner à travers Spotify, Apple Podcasts, Amazon Music, Stitcher et plusieurs autres services de diffusion.

Le troisième épisode de notre balado sera consacré aux thèmes qui ont été abordés lors d’un symposium à Chéticamp, les 27 et 28 août derniers. Oui, oui : un vrai évènement avec de vraies personnes « en présentiel » ! Il s’agissait d’un colloque organisé par l’Institut Gorsebrook de St. Mary’s University, sous la direction de la professeure Karly Kehoe, en partenariat avec l’Institut d’études acadiennes de l’Université de Moncton et, bien sûr, l’Observatoire Nord/Sud. Une trentaine de spécialistes, de professionnel-le-s du domaine du patrimoine et de membres du public se sont donné rendez-vous pour échanger autour des « histoires de lieux des communautés côtières » de la Nouvelle-Écosse : gaélique, acadienne et afro-néo-écossaise, entre autres, en plus de témoignages sur la Louisiane et sur la diaspora sud-asiatique, grâce à une autre collègue de St. Mary’s, la professeure Rohini Banerjee.

Le clou de l’événement : une promenade matinale pour découvrir les vestiges d’un moulin du 18e siècle, en compagnie de Scott Aucoin, fier défenseur et promoteur de l’héritage acadien de Chéticamp.

Ce n’est pas la seule activité de recherche qui s’est tenue dans les dernières semaines. Du 12 au 14 août s’est déroulé le deuxième atelier – après celui de 2019 – du projet Repenser l’Acadie dans le monde que codirige, avec moi, mon collègue Gregory Kennedy, directeur scientifique de l’Institut d’études acadiennes. Ce collectif rassemble près d’une vingtaine d’universitaires, de plusieurs disciplines. Leurs projets, qui seront présentés dans un livre (prévu pour 2023), sont novateurs et passionnants. Cette fois-là, les séances ont eu lieu en ligne. Un grand merci à Zoe Geddes, assistante de recherche et employée d’été, pour l’appui technique !

L’une de ces séances était une table ronde : « L’évolution des études acadiennes en contexte d’enseignement : réflexions et stratégies ». Animée par Audrey Paquette-Verdon, coordinatrice de l’Observatoire Nord/Sud, la discussion mettait en dialogue la professeure Isabelle LeBlanc de l’Université de Moncton, la professeure Judith Patouma de l’Université Sainte-Anne et le professeur Nathan Rabalais de l’Université de Louisiane à Lafayette. La table ronde peut être visionnée sur le blogue du projet.

Audrey Paquette-Verdon (en haut à gauche) a animé une table ronde sur l’enseignement des études acadiennes avec la professeur Isabelle LeBlanc, la professeure Judith Patouma et le professeur Nathan Rabalais.

Ce début d’année universitaire voit aussi l’arrivée de deux nouvelles personnes au sein de l’équipe de l’Observatoire Nord/Sud et de la Chaire de recherche du Canada en études acadiennes et transnationales (CRÉAcT). 

Depuis le mois de juillet, Carmen d’Entremont, ethnologue et ancienne coordinatrice du Centre acadien, amorce un stage en tant que chercheure postdoctorale dans le cadre du projet « Trois siècles de migrations francophones en Amérique du Nord, 1640-1940 », sous la houlette de l’historien Yves Frenette de l’Université de Saint-Boniface. Les recherches de Carmen porteront sur les récits de migration aux États-Unis dans les communautés de Par-en-Bas. Au mois d’août, elle a donné une conférence à ce sujet, à Grand-Pré, et nous avons hâte d’en donner d’autres nouvelles !

En outre, l’Observatoire Nord/Sud est très fier d’accueillir Karmen d’Entremont qui intègre la maîtrise ès arts en Cultures et espaces francophones, avec un financement complet de la CRÉAcT. Originaire de Par-en-Bas, Karmen détient un baccalauréat ès arts de l’Université Sainte-Anne, avec une majeure en histoire. Ayant travaillé pour différents musées dans sa région natale, il est passionné par le patrimoine acadien et, plus généralement, fasciné par la destinée des petites cultures.

D’ici notre prochaine chronique, qui sera signée par Audrey Paquette-Verdon, n’oubliez pas la rencontre en ligne avec Sonya Malaborza, traductrice du roman à succès L’accoucheuse de Scots Bay (The Birth House, 2006) d’Ami McKay, le lundi 27 septembre à 19h00. Les détails se trouvent sur la page Facebook de l’Observatoire Nord/Sud.

L’école en français pour les autochtones de la Louisiane (Au rythme de notre monde, dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, 16 avril 2021)

Cette chronique a paru dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, dans son édition du 16 avril 2021, sous la rubrique «Au rythme de notre monde».

C’est une cause qui nous tient à cœur ici, en Acadie de la Nouvelle-Écosse : celle de l’éducation en français, pour une minorité longtemps marginalisée et dont les droits continuent d’être bafoués. C’est la cause que revendiquent à l’heure actuelle les chefs et plusieurs membres d’une nation autochtone de la Louisiane, à savoir la Tribu de la Pointe-au-Chien, face à la fermeture imminente de l’école primaire qui dessert leur communauté.

Contrairement à la perception commune, les Cadiens ne représentent pas le groupe le plus francophone en Louisiane, du moins proportionnellement. Ce sont plutôt les descendants des premiers habitants du pays, qui ont appris le français dès le 18e siècle et qui l’ont adopté par la suite. De nos jours, la langue française demeure vivante au sein de ces populations, même si elles n’échappent pas totalement à l’assimilation. La plus nombreuse d’entre elles est la Nation unie houma, forte d’environ 17 000 membres qui ont d’ailleurs des liens de parenté avec d’autres communautés tribales des paroisses Terrebonne et Lafourche, dont celle de la Pointe-au-Chien.

La Tribu de la Pointe-au-Chien compte environ 700 personnes, résidant pour la plupart près de la bourgade de Montégut, au sud-ouest de la ville de Houma. C’est « là où l’eau mord la terre », pour reprendre une expression du cinéaste louisianais Glen Pitre à propos de l’action inexorable des eaux du golfe du Mexique qui rongent les marécages côtiers. Les « Indiens » – selon leur mot – de la Pointe-au-Chien descendent principalement des Chitimachas et de quelques autres nations historiques de la région : Houmas, Biloxis, Atakapas et d’autres peuples s’étant regroupés, au 19e siècle, à l’écart de la société blanche. Beaucoup de ces familles vivent encore des ressources de la terre et de la mer, grâce à la pêche aux crevettes, notamment.

Reconnue par l’État de la Louisiane mais non pas par le gouvernement fédéral, la tribu n’exerce pas sa propre gestion scolaire. Il ne s’en agit pas moins d’une question sensible et prioritaire car l’accès aux écoles publiques était très limité pour les autochtones louisianais jusqu’aux années 1960. Depuis cette époque, les familles de la Pointe-au-Chien en sont venues à faire leur l’école élémentaire Pointe-aux-Chênes (attention à l’orthographe distincte!), située en face du bayou, à une dizaine de kilomètres en amont de leur centre communautaire. Une nette majorité des élèves, soit 68 %, sont autochtones.

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Les premiers voyages du père Maurice LeBlanc en Louisiane (Au rythme de notre monde, dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, 12 et 26 mars 2021)

Les deux parties de cette chronique ont paru dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, dans son édition du 12 mars 2021 et celle du 26 mars 2021, sous la rubrique «Au rythme de notre monde».

Première partie (chronique du 12 mars 2021)

En 1955, le bicentenaire de la Déportation a été commémoré non seulement dans les communautés acadiennes des provinces Maritimes, mais également en Louisiane. Dès le mois de janvier, des cérémonies et activités à caractère patrimonial ont été organisées à Lafayette, au cœur du pays cadien et créole. Le coup d’envoi de ces manifestations a attiré plusieurs délégations venues de l’étranger, y compris du Canada, bien sûr. Parmi leur nombre se trouvait le regretté père Maurice LeBlanc (1924-2021), dont le récent décès à l’âge vénérable de 96 ans vient d’endeuiller l’Acadie entière.

Même si je n’ai pas connu le père Maurice pendant des décennies comme beaucoup d’entre vous, lectrices et lecteur du Courrier, son départ n’a pas manqué de m’affliger. Dès mon arrivée à l’Université Sainte-Anne à l’été 2015, j’ai eu plusieurs occasions de fréquenter cet Acadien et homme d’église au cœur généreux et aux talents multiples qui, en prenant connaissance de mes recherches sur la diaspora acadienne, s’est empressé de me dire qu’il avait visité la Louisiane, mon État natal, par quatre fois. 

Son premier voyage remontait aux fêtes du bicentenaire de la Déportation en 1955 alors qu’il était professeur d’histoire de l’art au Collège du Sacré-Cœur à Bathurst (Nouveau-Brunswick). Les autres déplacements se sont effectués en 1964, en compagnie de sa mère et de l’une de ses sœurs; en 1987, pendant qu’il était président de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse; et une dernière fois à l’occasion du Congrès mondial acadien—Louisiane 1999. Autant d’occasions d’apprécier et de mieux approfondir le lien acadien.

La participation du père Maurice aux commémorations de 1955 n’a rien de surprenant. Son père, le docteur Joseph-Émile LeBlanc (1890-1957), fervent défenseur du fait francophone, avait prononcé un discours de bienvenue au Collège Sainte-Anne lorsqu’une délégation louisianaise, composée surtout de jeunes « Évangélines » recrutées par le truculent sénateur Dudley J. LeBlanc, avait visité la Nouvelle-Écosse en 1930. Le père Maurice se rappelait lui-même la seconde visite des Évangélines du sénateur LeBlanc, en 1936, quand il n’avait que 11 ans.

C’est 80 ans plus tard, en août 2016, que j’ai pris rendez-vous avec le père Maurice pour qu’il me raconte quelques-uns de ses souvenirs. Le soleil souriait sur la péninsule de Pubnico quand je suis arrivé chez lui, à quelques pas du Musée des Acadiens des Pubnicos. Tout sourire lui-même, il m’a accueilli dans la maison où son père avait exercé sa pratique et où sa mère, Jeannette d’Entremont, enseignante, avait élevé leurs cinq enfants. Après quelques minutes de conversation, nous nous sommes installés dans son salon, pièce qui servait aussi d’atelier de peinture. C’était le tout premier entretien d’un important projet de la Chaire de recherche en études acadiennes et transnationales (CRÉAcT), La diaspora acadienne au fil de nos histoires.

Celles et ceux qui ont connu le père Maurice savent qu’il aimait voyager. La semaine avant notre entretien, il revenait de Philadelphie où il avait rendu visite à sa sœur cadette, Simone. Plus jeune, en tant que membre de la Congrégation de Jésus et Marie, dite des Eudistes, il avait vécu deux ans en Europe, de 1956 à 1958. Sa passion des arts et de la culture l’a amené à découvrir les musées et salles de concert de plusieurs grandes villes, de part et d’autre de l’Atlantique. Or, notre conversation allait m’apprendre un détail digne de mention sur le bicentenaire de 1955 : « C’était vraiment un premier voyage lointain que je faisais dans ma vie », a-t-il expliqué.

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Du côté de l’Observatoire Nord/Sud (dans Le Trait d’Union et Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, 11 décembre 2020)

(Note : Une version abrégée de cette chronique est parue dans le numéro 41 du Trait d’union, bulletin trimestriel destiné aux membres du personnel de l’Université Sainte-Anne.)

«Au rythme de notre monde» dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, 11 décembre 2020 – Un peu partout, le constat se fait entendre : oui, les conditions que nous vivons en raison de la pandémie ont perturbé bien des projets, mais du coup, de nouvelles possibilités de dialogue et de collaboration se révèlent. Les activités récentes de l’Observatoire Nord/Sud, centre rattaché à la Chaire de recherche du Canada en études acadiennes et transnationales (CRÉAcT), s’inscrivent pleinement dans cette dynamique.

Ce qui suivra va donner l’impression que mon équipe et moi avons mené une existence purement virtuelle ces derniers mois. Cette impression sera erronée. La preuve : juste avant la rentrée, nous avons visité l’île Georges, à Halifax, pour découvrir ce site, normalement fermé, qui servit de camp de détention pendant le Grand Dérangement. Le lectorat du Courrier se rappellera que cette excursion est racontée dans ma chronique du 23 septembre (« L’île Georges à Halifax, au cœur de la mémoire acadienne »).

Nous avons également eu le plaisir d’accueillir le professeur Yves Frenette, historien de l’Université de Saint-Boniface et titulaire de la Chaire de recherche du Canada de niveau 1 sur les migrations, les transferts et les communautés francophones. Sa visite à la Baie Sainte-Marie a eu lieu il y a quelques semaines, avant que la situation ne se dégrade, afin de discuter d’un vaste projet de recherche qu’il chapeaute : Trois siècles de migrations francophones en Amérique du Nord, 1640-1940. Entrepris avec le Centre acadien et la Société historique acadienne de la Baie Sainte-Marie, notre volet étudiera le va-et-vient migratoire entre le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse et les États de la Nouvelle-Angleterre. De belles initiatives se préparent déjà pour le Congrès mondial acadien 2024!

Reste que, en dehors de ces rares percées dans le présentiel, les activités virtuelles ont pris le dessus.

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« Les enjeux des Jeux, ou le Nouveau-Brunswick face à la Francophonie » (Au rythme de notre monde dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, 15 février 2019)

Depuis le parution de ce texte dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, le Conseil d’orientation du Comité international des Jeux de la Francophonie (CIJF) a décidé de relancer le concours pour accueillir les Jeux de 2021, n’ayant reçu aucune candidature depuis le désistement du Nouveau-Brunswick. De son côté, le Comité national organisateur des IXes Jeux de la Francophonie 2021 (CNJF) a publié cette déclaration afin de mieux expliquer sa position.

Il faut parfois appeler les choses par leur nom. Il y a quelques jours le gouvernement du Nouveau-Brunswick annonçait sa décision de se retirer des Jeux de la Francophonie, que la province devait accueillir en 2021. C’est la débâcle.

Le premier ministre Blaine Higgs (PCNB) impute ce désistement à une prévision budgétaire devenue exorbitante. Bien loin des 17 millions $ anticipés initialement, un plan d’affaires ultérieur faisait gonfler les dépenses à 130 millions $ – un coût total huit fois plus élevé – avant que le chiffre ne soit revu à la baisse (à 62 millions $).

Trop peu, trop tard.Lire la suite »