À noter que cette chronique a également paru dans l’édition du 7 février 2023 du Courrier de la Nouvelle-Écosse, sous la rubrique « Au rythme de notre monde ».
Il y a bientôt un an, la Russie envahissait l’Ukraine. Au Canada comme ailleurs, un élan de solidarité s’est manifesté envers la cause ukrainienne, une vague d’indignation et de sympathie stimulée par la couverture médiatique ainsi que par les médias sociaux. À quelques égards, les enjeux de ce conflit rappellent ceux d’un autre affrontement entre la Russie et les puissances occidentales : j’ai nommé la guerre de Crimée (1853-56).
L’une des guerres majeures du 19e siècle, l’affaire oppose l’Empire russe à une coalition formée par la France, le Royaume-Uni et la Sardaigne, alliée à Empire ottoman. Ce dernier, un État musulman et multiethnique chevauchant trois continents (l’Europe, l’Afrique et l’Asie du Moyen-Orient), s’estime menacé par les ambitions expansionnistes de la Russie.
Alors que, de nos jours, Vladimir Poutine prétend vouloir libérer les populations russes de l’Ukraine, il s’agit à ce moment-là de l’ingérence du tsar Nicolas Ier au nom des communautés chrétiennes des territoires ottomans. La coalition vient à la rescousse de la Sublime Porte – surnom du gouvernement ottoman – afin de maintenir l’équilibre des rapports de force.
Au terme des hostilités qui durent d’octobre 1853 jusqu’en mars 1856, la victoire de la coalition va assurer la neutralité de la mer Noire dans le but de restreindre l’influence russe dans la région – notamment, en interdisant la construction de fortifications ainsi que le passage de navires de guerre. C’est justement dans cette zone que s’est déroulé le principal épisode de la guerre, à savoir le siège de Sébastopol. Cette ville portuaire de la péninsule criméenne abritait une importante base navale qu’une expédition franco-britannique visait à conquérir.

Le siège allait durer onze mois, d’octobre 1854 à septembre 1855, jusqu’à la prise de Sébastopol. Très lourde en pertes humaines, cette bataille a été immortalisée par un poème d’Alfred Tennyson, «The Charge of the Light Brigade» («La charge de la brigade légère»), qui commémore l’issue désastreuse d’une attaque par les forces anglaises.
D’ailleurs, la Crimée d’aujourd’hui n’a rien perdu de sa pertinence stratégique : on se souviendra qu’en 2014 la Russie s’est emparée de la péninsule alors qu’elle appartenait à l’Ukraine depuis 1954, en vertu d’un transfert décidé par les autorités de l’Union soviétique.
Pourquoi m’intéresser à ce moment de l’histoire géopolitique ? Ce n’est pas tant la récente invasion de l’Ukraine qui y a attiré mon attention que mes recherches sur la Louisiane, figurez-vous. En dépouillant un journal de langue française de la paroisse Saint-Jacques, entre Bâton-Rouge et La Nouvelle-Orléans, j’ai constaté que le conflit de 1853-56 faisait alors l’objet d’une couverture abondante et approfondie, même si les États-Unis n’étaient pas parmi les belligérants.
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